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de se borner à les punir. » Pour cela, il faut modifier le caractère du méchant, car c’est le caractère qui est le véritable auteur de la faute : « un caractère, en effet, c’est une passion dominante, bonne ou mauvaise, puis les passions subordonnées qui l’accompagnent, enfin les sentiments, discours et actions qu’elle suggère[1]. » Il faut donc faire contracter au caractère d’un homme des habitudes de penser et de vivre conformes au bien de cet homme et au bien de la société, et de là l’importance (excessive, il est vrai,) qu’Helvétius donne dans ses ouvrages à l’éducation ; mais ici encore, n’a-t-il pas préparé, et en tous cas devancé, l’école psychologique anglaise et ses grands théoriciens de l’éducation du caractère ?

Maintenant, le crime une fois commis, ils ont à résoudre ces deux questions : De quel droit et de quelle façon punira-t-on le coupable ? et ils répondent catégoriquement : du droit qu’a la société de se défendre et de la seule façon qui convienne à des êtres humains jugeant leurs semblables : « le principal et le dernier but des peines est la sûreté de la société. Toutes les fins particulières des peines, prévenir, corriger, intimider, doivent toujours être subordonnées et rapportées à la fin principale et dernière qui est la sûreté publique[2] ? »

Dans leur philosophie pratique, en effet, le souverain bien étant le bonheur du plus grand nombre, aux yeux du législateur celui-là seul est vraiment coupable qui attente à ce souverain bien, c’est-à-dire à la félicité publique. Qu’on efface donc du Code criminel tous ces délits supposés de lèse-majesté divine, tels que le blasphème, le sacrilège et l’hérésie, toutes choses qui ne troublent en rien la sûreté de l’État et sont affaire entre l’homme et Dieu. Dieu n’est pas seulement, comme on disait dans les tribunaux d’alors, « le juge naturel », il est aussi le seul juge de pareils, pécheurs, si tant est qu’ils aient péché ; et la conséquence à en tirer, ce n’est pas, comme on le disait encore par un horrible eu-

  1. Diderot, XIV, 487.
  2. Encyclopédie : art. Crime.