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dont se souviendront ceux de ses lecteurs qui vont rédiger les cahiers de 89.


III. — la législation criminelle


S’il est, dans l’histoire de la civilisation, un progrès indéniable et dont tout cœur généreux doive se réjouir, c’est celui qui s’accomplit, du dix-huitième au dix-neuvième siècle, dans notre législation criminelle ; et s’il est aussi une incontestable vérité, c’est que ce progrès est dû en très grande partie et fait le plus grand honneur aux philosophes du siècle passé.

On sait combien était déraisonnable et barbare, à l’époque où s’élaborait l’Encyclopédie, notre législation criminelle : on jugeait encore d’après cette Ordonnance de 1670 qui, sous prétexte de réformer, n’avait fait qu’aggraver la procédure que les Valois avaient établie en 1539 et qu’ils avaient empruntée eux-mêmes aux tribunaux de l’Inquisition. Selon cette procédure, tout accusé était dès l’abord présumé coupable et soumis, comme tel, à toutes les épreuves qui pouvaient lui faire avouer, parfois même, tant ces épreuves étaient effroyables ! lui faire inventer son crime, car la mort même était préférable aux tortures que le juge avait le droit de lui infliger jusqu’à ce qu’il eût obtenu de lui « une preuve plus claire que le jour. » Dans cette absurde législation, en effet, la peine capitale semblait être, au premier abord, d’une application très difficile ; ne fallait-il pas, pour l’infliger, qu’on eût « la preuve complète » ? Seulement, on s’était réservé d’obtenir cette preuve, si besoin était, par « la confession forcée », ce qui veut dire : en appliquant à l’accusé, soit la question à l’eau, soit la question aux brodequins. Ce qu’étaient ces deux sortes de questions, il faut qu’on nous permette de le rappeler en mots, afin qu’on puisse comprendre et apprécier à