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même qu’il est permis d’aller à l’Opéra-Comique le jour de saint Jean le Baptiseur, de même on ne considère plus comme un crime le maniement de la charrue et l’ensemencement de la terre les jours de saint Jude et de saint Mathias », l’Encyclopédie établit que la « nation serait bien plus riche si on retranchait la plus grande partie des fêtes » (art. Impôt).

D’autre part, sans même parler des fameuses Planches de Diderot, où tous les arts mécaniques sont décrits avec précision et parfois représentés sous des formes saisissantes et même dramatiques, on exalte, dans tout l’ouvrage, non les guerres et les conquêtes (contre les unes et les autres les Encyclopédistes ne cesseront de protester), mais les travaux de la paix et les artisans « robustes et industrieux » ; le chef de l’Encyclopédie n’oublie pas qu’il est le fils d’un coutelier et un des meilleurs articles de son Dictionnaire, un des plus judicieux et des plus hardis à la fois, est l’article Épargne. Qu’y a-t-il, d’ailleurs, de « plus honorable que la profession de marchand » ? écrit-on l’année même (1765) où Sedaine fait applaudir l’honnête Vanderk.

Sur d’autres points, sur l’éducation, par exemple, l’Encyclopédie a le mérite de devancer l’opinion publique ; dès 1751, elle s’indigne contre « les marâtres qui n’allaitent pas leurs enfants et ne craignent pas de les livrer à des mercenaires ». En 1755, c’est-à-dire sept ans avant l’Émile, d’Alembert signale les inconvénients qui résultent de l’emmaillotement des nouveaux-nés, et il écrit ces lignes, curieusement prophétiques : « Il faudrait prévenir les accidents que j’ai signalés en tâchant de suppléer au maillot par de meilleures ressources ; en attendant qu’un digne citoyen s’y dévoue (ce sera le citoyen de Genève), indiquons quelques sages précautions. » Enfin, sur l’instruction même, d’Alembert a exprimé des vues hardies et sensées qui sont un document intéressant dans la question du latin au dix-huitième siècle : « On passe sept ou huit ans à apprendre des mots, puis on entre en rhétorique où on fait des discours appelés amplifications, qui consistent à