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fondateur l’a formellement déclaré, pour « changer la façon commune de penser. »

Maintenant, quels préjugés veut-on détruire ? car il y en a, à cette époque, et particulièrement aux yeux des philosophes, un peu partout. Il y a d’abord les préjugés de naissance, qui fondent les privilèges, et les préjugés politiques, qui légitiment le pouvoir absolu : et ce sont là les bases de cette société qu’ils veulent améliorer. Cependant, quand il s’agira des institutions politiques et sociales de la France, les Encyclopédistes seront, à la fois, très timides, parce qu’il est dangereux de parler de ces choses librement, et très vagues, parce que leur science politique est rudimentaire. En revanche, il est un préjugé qu’ils poursuivront d’une implacable haine pour les maux innombrables qu’il a causés à la trop crédule humanité : c’est la superstition.

En résumé donc, on peut dire que les Encyclopédistes ont voulu rendre trois sortes de services à la société : en premier lieu, ils ont critiqué certains abus particuliers à leur temps et proposé certaines réformes sociales ; en second lieu, ils ont recherché et discuté les principes des gouvernements ; en troisième lieu, et par-dessus tout, ils ont combattu la religion dominante. On peut donc considérer leur œuvre polémique sous ces trois points de vue : social, politique, religieux.

Commençons par la critique des abus et montrons quelles réformes sociales demande l’Encyclopédie.

On voyait, au dix-huitième siècle, devant la magnifique colonnade du Louvre, une foule de petits fripiers qui étalaient en plein vent leurs sordides guenilles, et la splendeur de l’édifice ne faisait que mieux ressortir la misère de ces petites gens. Splendeur et misère, ce contraste-là était l’image de la France sous Louis XV. « La France, dit Sismondi, présentait alors le contraste le plus étrange. La vraie nation, celle qui habitait les provinces, était réduite à un état de souffrance, de pénurie, d’oppression, qu’elle n’avait jamais connu, même dans les siècles de la plus