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énuméré que les idées primitives, qui nous viennent directement des corps et les sciences qui en sont résultées. Mais il est une autre source d’idées non moins fécondes que les premières : ce sont celles que nous nous formons nous-mêmes en imaginant des êtres semblables à ceux-là mêmes d’où nous étaient venues ces idées primitives. Tantôt c’était la nature même que nous interrogions pour lui dérober ses secrets et les réponses que nous faisait directement la nature, interprétées par notre intelligence, devenaient peu à peu les sciences du corps et de l’esprit : maintenant, c’est la nature imitée, et transfigurée aussi par cette imitation, qui va devenir indirectement l’objet des différents arts : architecture, peinture, sculpture, poésie et musique, dont le but commun est de charmer l’esprit et les sens et d’embellir la vie humaine. Et ainsi, tout part de l’homme et tout s’y ramène : créés par l’homme, sciences et arts n’ont d’autre but que de satisfaire aux besoins de son corps et aux caprices de son imagination.

Qu’a fait jusqu’ici d’Alembert ? il a écrit à grands traits l’histoire des progrès de l’esprit humain, et cette histoire, il l’a faite en philosophe, c’est-à-dire qu’il a, en l’absence de témoignages impossibles à retrouver, raconté comment et quand les sciences ont naître et engendrer d’autres sciences à leur suite ; or, cette histoire philosophique va nous aider maintenant à dresser, au seuil de l’Encyclopédie, le tableau proprement encyclopédique, entendez par là, systématique, des sciences et des arts, ou, comme d’Alembert l’appelle encore, leur arbre généalogique. Il s’agit maintenant de se servir de cette histoire des sciences, non pas de s’y asservir, car les sciences ne se superposent pas logiquement les unes aux autres dans l’ordre même où elles se sont suivies historiquement les unes les autres ; le point de vue change ici : l’observateur doit se placer, pour ainsi dire, au-dessus du vaste labyrinthe des connaissances humaines et, de là, embrasser d’un seul coup d’œil les sciences et les arts, noter les points où ils se touchent, les routes qui conduisent des uns aux autres et dresser comme la mappe-