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Établis sur les bords des rivières et des lacs, qui les rendent accessibles durant l’été, les Forts participent, l’hiver, au nivellement général du pays par les neiges et les glaces.


L’établissement qu’il possède, près du fort-de-traite, est le pied à terre du missionnaire, et le poste à demeure de son saint ministère, surtout s’il s’y trouve un orphelinat ou un hôpital.

Deux fois l’an, à la débâcle, qui marque l’époque de la vente des fourrures, et à Noël, qui est la grande fête des Indiens, il voit venir à lui une partie de ses ouailles. Rarement un sauvage chrétien paraîtra dans les environs de la « mission », sans se confesser, recevoir « le pain de Celui qui a fait la terre », et se munir, pour lui-même et pour les siens, de chapelets, de médailles, de scapulaires. Ces deux rencontres annuelles apportent au prêtre, avec la fatigue d’un travail intense, une joie qu’il n’échangerait pas pour la couronne des rois. Il a revu ses enfants. Il a entendu le récit détaillé de leur vie. Il les a instruits, encouragés, réconfortés. Sa bénédiction les accompagnera jusqu’à l’autre printemps, ou l’autre Noël.

Mais tout le bercail n’était point là ! Bien loin du fort et de la mission, au fond des bois, dans les parages des orignaux ou des rennes, il reste ceux qui n’ont pu venir : les vieillards, les femmes chargées d’enfants, les infirmes. Autant d’affamés de la parole et de la nourriture du bon Dieu qui attendent le missionnaire.

Or, les visites aux camps lointains ne sont guère praticables qu’à la faveur de l’hiver.

Pour nous former l’idée de ces voyages dans les immen-

    taient toutes les envies, toutes les querelles. Ainsi peut-on encore voir, à York et à Churchill, les anciennes forteresses, bastionnées à la Vauban, munies du système complet d’obstacles défensifs : glacis, fossés, escarpes, parapet, rempart et affûts d’artillerie. Ces fortifications, élevées à l’aide de matériaux importés d’Angleterre sur ces déserts de la baie d’Hudson, furent le théâtre des luttes que nous savons entre la Compagnie des Aventuriers et la France. D’autres redoutes se construisirent également dans l’intérieur du continent, mais déjà moins imprenables. Au nord, dans notre pacifique territoire d’Athabaska-Mackenzie, le nom seul de fort a pénétré et subsisté. La réalité consiste en l’assemblage de deux ou trois maisonnettes, entourées d’une palissade de faibles pieux fichés en terre, et dont la porte — lorsque porte il y a — demeure ouverte à tout venant.