Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
AUX GLACES POLAIRES

barbare est le premier élément de la civilisation », et que « le sauvage en est le dernier déchet »[1].

Tous les peuples que n’a point illuminés la Révélation divine, ou qui en ont dédaigné les bienfaits, sont idolâtres. Le démon ne fait que revêtir des formes adaptées aux passions de ses esclaves, pour décevoir les raisons livrées à elles-mêmes et corrompre les cœurs qui ne sont point à Dieu. S’il rencontre des instincts féroces, il les met en action dans des sacrifices sanglants et des pratiques de vengeance belliqueuse : ce fut le cas des Algonquins de la prairie. Si, au contraire, la nation sauvage, tombée sous sa puissance, possède une âme naturellement religieuse, de tempérament pacifique, il la rassure touchant la débonnaireté du vrai Dieu qu’elle cherche, et exploite sa faiblesse en lui découvrant des génies appliqués à sa perte, et dont il lui importe d’apaiser la méchanceté, en les honorant : ce fut le cas des Dénés du Nord.

Les Dénés avaient eu leur temps de guerre contre les Algonquins et les Esquimaux. Puis, ils s’étaient entretués de tribu à tribu. Trop décimés enfin, ils avaient renoncé aux combats ouverts, et étaient devenus les poltrons fuyards, que nous trouvâmes.

Leur imagination leur forge sans cesse des ennemis qui les poursuivent. Tous les missionnaires du Mackenzie ont assisté à ces scènes de folles paniques, qui seraient des plus risibles, si elles n’inspiraient la compassion. Le Père prêchera paisiblement, au milieu d’un camp sauvage ; tout à coup un cri retentira dans la feuillée : dénédjéré ! Séance tenante, les Indiens se précipitent sur les loges, les abattent s’embarquent, et tous les bras poussent au large les pirogues. Qu’est-ce donc ? Une femme, un enfant, quelque idiot a cru entendre le déclic d’un chien de fusil, ou bien il aura remarqué une herbe froissée. La peur l’empoigne. Il jette l’alarme : « dénédjéré ! ennaslini ! C’est l’ennemi ! » Rien ne retiendrait le camp emporté par l’épouvante : ni l’assurance donnée par le missionnaire que tout est sauf, ni la considération qu’ils se trouvent à des centaines de lieues de toute habitation.

  1. Monsabré, Gouttes de vérité.