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AUX GLACES POLAIRES

1913, l’après-midi, à une trentaine de kilomètres de l’océan Glacial, sur la rive gauche du Coppermine, trois lieues en amont de la Chute du Sang.


Le lendemain, un certain nombre de bons et de méchants Esquimaux s’en furent au lieu du carnage, où ils trouvèrent les quatre chiens faisant la garde de leur maître.

Les uns — Kormick en était — se distribuèrent les divers effets. Les autres, comme Koha, regardèrent avec douleur « comment les bons Blancs étaient morts ».


J’étais très chagrin de la mort des bons Blancs, dit Koha, et je voulus aller les voir. En arrivant, j’aperçus le corps d’un homme sans vie, à côté du traîneau : c’était Ilogoak (le Père Le Roux) ; et je me mis à pleurer. Je ne vis pas Kouliavik (le Père Bouvière). La neige recouvrait le visage d’Ilogoak, laissant le nez à découvert : il était étendu sur le dos, la tête relevée… J’aimais beaucoup les bons Blancs. Ils étaient très bons pour nous.


Trois ans plus tard, le 3 juin 1916, le gendarme Wight se fit conduire à cet endroit par un indigène nommé Mayouk. Il trouva la planche de fond du traîneau, et, près de celle-ci, un os maxillaire inférieur retenant encore toutes ses dents intactes et blanches. Mayouk déclara que cette relique était du Père Le Roux ; et qu’elle avait été jetée là, l’année précédente, par un passant. Comme M. Wight tenait à voir le lieu précis où le Père Le Roux avait expiré, Mayouk l’entraîna, à vingt mètres plus loin, dans la direction du fleuve, s’arrêtant à une centaine de mètres de la rive gauche. La place était marquée par les griffes des animaux carnassiers, et par de nombreuses esquilles d’ossements tombées de leurs gueules. Mayouk montra ensuite au gendarme une excavation qu’un ruisseau avait pratiquée en se jetant dans le Coppermine, et lui dit que le corps du Père Rouvière était au fond. Six pieds de glace mêlée d’argile le recouvraient. Le gendarme, pressé par le temps, ne put rien faire pour la déblayer. Il se contenta de confectionner, avec la planche du traîneau, deux humbles croix qu’il planta respectueusement sur les points du désert, où les deux missionnaires avaient trouvé le sanglant couronnement de leur apostolat.


En 1917 enfin, en la fête de l’Assomption de la Sainte