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AUX GLACES POLAIRES

le versant du monticule. Il n’y avait plus à douter : c’étaient des Esquimaux.

« À ma vue, ils accourent ; mais, arrivés à une certaine distance, ils font halte. L’un d’eux prend les devants ; mais bientôt il s’arrête, lève les bras au ciel, penche la tête à droite, puis incline tout son corps vers la terre. Il répète ces gestes à plusieurs reprises. Je lui réponds en levant les bras. Alors, il se rapproche de moi, et tous les autres se précipitent à sa suite… C’était leur signe de salut.

Quand le premier Esquimau fut assez près pour me reconnaître, il se retourna en criant : « Krablouma, — c’est un Blanc ! » Il arriva alors vivement jusqu’à moi, tout souriant et me tendant la main. Je la serrai entre les miennes. Aussitôt il me prit par le bras, pour me présenter à tout le monde. J’avais ma soutane et ma croix d’Oblat. Ce signe sacré les frappa vivement ; ils ne se lassaient pas de le regarder. Je leur donnai quelques médailles de la Sainte Vierge, que je leur passai moi-même au cou. Ils étaient radieux.

Ensuite j’allai à leur campement, et je donnai la main à tous les gens qui étaient là. Ils m’invitèrent à leur table. Je n’eus garde de refuser ; car, marchant depuis le matin sans manger, j’étais affamé.

Après le repas, ils m’accablèrent de questions. Je m’efforçai de leur faire comprendre que j’étais venu pour rester parmi eux… »


Le Père Rouvière prit aussitôt ses dispositions pour hiverner au lac Imerenick, à une centaine de kilomètres au nord de la baie Dease, parmi les « derniers misérables sapins secs », qu’il rencontra dans le Barren Land[1]. Habile charpentier, il eut vite fait d’équarrir et d’ajuster les troncs d’arbres qui devaient composer sa pauvre demeure. Il y célébra le saint sacrifice, pour la première fois, le 17 septembre 1911.

Jusqu’à la fin d’octobre, beaucoup d’Esquimaux, retournant à la mer par ce chemin, vinrent l’y visiter, famille par famille. Coïncidence touchante, ils arrivaient toujours plus nombreux aux fêtes de la Sainte Vierge. Le missionnaire écrit, dans son Journal, le 8 septembre :


Marie sera vraiment la protectrice de cette mission, car c’es

  1. Ce lac que nous appelons Imerenick, de son nom esquimau, porte aujourd’hui le nom de lac Rouvière, à la demande des frères Douglas, amis et admirateurs du missionnaire, auteurs du beau livre Land Forlorn.