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LES CRIS
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battre des mains, et, se tournant vers le Père Falher, étendre vers lui le bras et l’index d’un mouvement rapide et énergique :

— Père, dit-il, c’est toi que nous choisissons pour notre maître !

« Et les sauvages de l’imiter, de battre des mains, de pointer leur doigt comme une flèche vers le père et de répéter :

— Oui, oui, c’est toi que nous choisissons pour notre maître.

« À cette manifestation naïve et spontanée de leur attachement à la foi catholique, le Père Falher tremble de surprise et d’émotion. Le cœur me bat de joie et d’orgueil, légitime je crois. Les révérends sont couverts de confusion, car, à la face des représentants du gouvernement, devant la foule assemblée, réunion la plus importante qui se soit jamais tenue dans le pays, la voix du peuple a déclaré que le prêtre catholique est son guide et son pasteur… Le soir de ce jour mémorable, le révérend de l’endroit se rendit au camp des sauvages et essaya de les faire revenir sur ce qu’ils avaient dit relativement à la question des écoles et en faveur du prêtre catholique ; mais il en fut quitte pour sa peine, et essuya là un nouvel affront. »

Au sujet du même traité, Mgr Grouard rapporte aussi cette anecdote :


En passant à la petite rivière Rouge (affluent de la rivière la Paix, non loin du fort Vermillon), j’eus un cas de conscience d’un nouveau genre à résoudre. Le chef Cris, de l’endroit s’est converti récemment, et, dans la ferveur de sa foi nouvelle, le traité lui a donné quelques scrupules. Il attendait Mgr l’Évêque, disait-il, pour prendre ses conseils et se décider d’après ses avis. Voici comment il m’exposa lui-même son embarras :

— Le gouvernement nous propose de lui céder notre pays et nous offre une somme d’argent en retour. Or, moi, je n’ai pas fait ce pays ; c’est le bon Dieu qui a fait le ciel et la terre. Donc, si je reçois l’argent qu’on nous apporte, je me rendrai coupable de vol, puisque je serai censé vendre ce qui ne m’appartient pas.

N’est-ce pas une grande délicatesse de conscience de la part d’un pauvre sauvage ? Je lui fis comprendre que cet argent était une compensation des dommages que lui et les siens pourraient subir à la suite du traité. Les blancs pourront venir défricher ; les orignaux, ours, caribous, castors, etc., diminueront sensiblement, et la chasse ne sera pas aussi abondante que par le passé.