Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
LES CRIS

Les Cris des bois — tels furent ceux de l’Athabaska, — obligés au travail et à la vie nomade, par groupes restreints, trouvèrent dans ces nécessités crime rude existence la sauvegarde qui manquait à leurs frères de la prairie. Loin d’être à l’épreuve des défaillances, ils pouvaient cependant se comparer à leurs voisins, les Montagnais.

Une qualité commune aux Cris de la prairie et aux Cris des bois eût cependant marqué, à elle seule, la noblesse naturelle de cette nation : le respect donné à la mère, à réponse, à la jeune fille, et la tendresse envers l’enfant.

C’est sans doute dans ce sentiment des cœurs bien faits, fleur délicate d’un sol puissant, qu’un Cris du fort Vermillon trouva un jour sa réplique à certain bishop protestant qui ridiculisait la vénération catholique de la Très Sainte. Vierge, attendu que la Bible, disait-il, n’enseigne qu’à aimer et prier Jésus-Christ :

— Et toi, priant anglais, voyons, est-ce que tu as eu une mère ?

— Si j’ai eu une mère, balbutie le prédicant surpris ; mais comme tous les hommes, comme toi !

— Eh bien, répond l’Indien, tu as du l’aimer ta mère, comme j’ai aimé la mienne : et tu as bien fait. Et tu voudrais que Jésus n’aimât pas sa mère, Marie ! Et tu me dis qu’il n’est pas content si je parle avec respect à sa mère ! Dans notre religion, nous ne séparons pas Jésus de sa mère. Nous prions Jésus d’abord, et Marie ensuite.


Évangélisés, les Cris devinrent, quoique plus lentement que les Dénés, d’aussi bons chrétiens[1]. L’apathie sauvage, l’indifférence, l’insouciance du lendemain temporel, et même éternel, retiennent, il est vrai, la masse dans une lourdeur d’élan quelquefois décourageante ; mais beaucoup de tribus, dans les bois surtout, se sont rencontrées qui ne l’eussent cédé ni aux Montagnais, ni aux Plats-Côtés-de-Chiens, ni aux Loucheux, en esprit de prière et de vertu. Même chez les moins fervents des Cris, la réflexion, la « logique de la foi » inspirera souvent des paroles de prévoyance et des

  1. Il ne s’agit dans ce chapitre que des Cris pur sang. Autres sont les prérogatives des Cris-Métis.