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LES LOUCHEUX

virent la rivière se gonfler soudain et défoncer aussitôt l’écluse. Quelques minutes plus tôt ou plus tard, l’inondation eut trouvé le Père Giroux sur la digue, et l’eût emporté avec les débris vers l’océan. Les deux missionnaires se mirent alors à scier de long ; et, malgré tous les déboires, les planches de la maison-chapelle étaient apprêtées, lorsqu’il fallut partir.

Par le chemin d’hiver, qui mesure environ 70 kilomètres, ils transportèrent tout ce qu’ils purent de leurs effets. Ils eurent même, dans ces trente à quarante voyages de halage, à se priver de toute aide étrangère, de peur de donner l’éveil au commerçant du fort, et de s’attirer de sa part des entraves peut-être insurmontables.

L’adieu ouvert fut donné au fort Mac-Pherson, le 7 avril 1896.

Aussitôt leur tente fixée à la Petite Rivière Rouge Arctique, les deux pionniers, sans négliger les nécessités du saint ministère, se dévouèrent à la tâche de construire la mission. Sans s’accorder d’autre repos que celui des dimanches, ils partaient de grand matin, après leur déjeuner, s’enfonçaient dans les maigres forêts, sapaient des arbres, les traînaient en s’y attelant, les équarrissaient, et ne rentraient qu’à la fin du jour, pour prendre à la fois leurs dîner et souper. Quelques lièvres trouvés dans les collets tendus et un pain gluant, fait avec des œufs de poisson, composaient l’ordinaire. De pain de froment, ils ne goûtèrent que deux fois cette année-là.

La maison-chapelle, à peu près finie, fut inaugurée par la messe de minuit du 25 décembre 1896 : « Ce ne sera pas plus beau dans la grande maison de Celui qui a fait la terre », s’écriaient tous les Loucheux.

Deux ans de vie commune et laborieuse suivirent encore ce Noël.

Le 21 avril 1898, le Père Lefebvre, sur l’ordre de Mgr  Grouard, embrassait son cher compagnon et prenait la route de Dawson, viâ les montagnes Rocheuses, à titre de missionnaire des mineurs du Klondyke, au Youkon[1].

  1. Il demeura à Dawson jusqu’en 1907. Depuis lors, il remplit les fonctions de procureur vicarial du Mackenzie. Chaque année, il refait le voyage de Montréal, où il achète les effets des missions, à la Petite Rivière Rouge Arctique, où il achève de les distribuer. À lui la perpétuelle inquiétude de « joindre les bouts ensemble ».