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AUX GLACES POLAIRES

Au fort Mac-Pherson, il rencontre les Loucheux et les Esquimaux. Là enfin, il est arrivé le premier. Plus loin, il n’y a plus que l’océan Glacial, le Pôle nord.

Il jette alors son cri de triomphe :


Le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre 1860), ayant réuni les Loucheux et les Esquimaux, autour de ce signe de réconciliation, je fis approcher les deux chefs, et leur ayant fait croiser les mains au bas de la Croix, je la leur fis baiser comme signe d’alliance et de paix entre eux avec Dieu. Mes mains pressant les leurs sur le pied du, Crucifix, je leur fis promettre de s’entr’aimer à l’avenir. Ainsi la Croix était le trait d’union entre moi, enfant des bords de la Méditerranée, et l’habitant des plages glacées de la mer Polaire. La Croix avait franchi toute distance, elle dominait a mari usque ad mare. De plus, je donnai au chef des Esquimaux une image du Sauveur en croix, au bas de laquelle j’écrivis ces paroles de la prophétie qui s’accomplissait : Viderunt omnes termini terræ salatare Dei nostri ; et je fis présent au chef des Loucheux d’une image représentant la Mère de notre Sauveur, avec cette autre si vraie prophétie : Beatam me dicent omnes generationes. C’est en ce beau jour de l’Exaltation de la Sainte Croix que l’a grande nation des Esquimaux offrit ses prémices à l’Église, et que plusieurs d’entre eux devinrent enfants de Dieu en recevant le baptême.


L’hiver 1860-1861, le Père Grollier s’avoue vaincu, terrassé par la maladie, dans une lettre à Mgr Taché ; et aussitôt, sans transition :


Ce printemps, je retournerai au fort Norman, j’en redescendrai le plus vite possible, et, une fois les sauvages de Good-Hope partis, je descendrai au fort Mac-Pherson.


Il exécuta ce programme. Mais à quel prix !

Le 8 juin 1861, en route pour Norman, il écrit :


Hier je partis en barge de Good-Hope. Aujourd’hui, fête de Notre-Dame de Grâce, jour d’indicible douleur pour moi : nous rencontrons le ministre Kirby qui se rend à Good-Hope, et à Mac-Pherson. Vous voyez que mes tristes prévisions s’accomplissent ! Qu’allons-nous devenir ?… Je ne puis vous dire ce que je souffre, à chaque campement. Hier, il fallait monter une petite côte pour camper : je croyais expirer avant d’y arriver. Il m’a fallu m’arrêter trois fois, et longtemps, pour reprendre haleine ; le souffle me manquait complètement. La marche même sur un terrain plan m’abat aussi il faut que je m’arrête, pour respirer. Rien que le mouvement d’entrer ou de sortir de la barge me fatigue autant que si je venais de faire cent lieues. Il