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LES PEAUX-DE-LIÈVRES

fois il serait au fort Norman, le 25 décembre, et qu’il y aurait la messe de minuit. Il n’eut pas à répéter l’invitation.

Laissons-le nous dire l’événement :


La fête approchait et je me préparais à lui donner tout l’éclat possible. Je fabriquais des chandeliers, des lampions, des guirlandes, tout ce que je pouvais inventer. Un soir, j’entends des pas nombreux sur le trottoir de la maison. On entre chez moi : Oh ! quelle joie, c’est notre chef, le Petit-Chien, qui arrive avec sa bande. Tous se jettent à mes pieds pour me serrer la main et recevoir ma bénédiction.

— Combien je suis heureux de vous voir, mes enfants, leur dis-je.

— Père, répond le chef, fidèles à notre parole nous venons tous, pour assister à la prière de la nuit (Noël). On nous a dit que la fête était après-demain.

— Eh bien ! j’en suis enchanté ; seulement, vous vous êtes trompés de huit jours.

— Père, que dis-tu là ! Nous n’avons pas de vivres, et ne pouvons demeurer ici, si longtemps. Il nous faut repartir après demain.

— C’est fort désagréable, mes enfants ; mais je ne puis célébrer la Noël, pendant l’Avent. Le Pape ne serait pas content de moi.

Sur ce, tous de se récrier et lamenter. Ces pauvres gens étaient découragés, et moi-même affligé de ce contretemps.

— Enfin, écoute, père, me dit le chef : Toi, tu es le prêtre ; et le prêtre c’est comme le bon Dieu : ce qu’il veut, il le peut. Si tu le veux bien, tu pourras nous faire contents, et célébrer pour nous la belle fête de la prière de la nuit, quoique ce ne soit pas encore le jour. Nous venons de loin ; nous venons tous ; nous ne venons que pour cela ; pourquoi voudrais-tu nous résister davantage ?

Que répondre à ces braves enfants ? Je réfléchis un moment :

— Eh bien ! puisque vous le désirez tant, c’est bien, vous serez satisfaits. Si je pouvais consulter le Pape, il me permettrait bien de devancer la fête. Je lui écrirai. Et maintenant, comme il est tard, retirez-vous ; allez faire votre campement. Demain vous vous confesserez ; et, demain soir, à minuit, nous célébrerons ensemble la prière de la nuit.

Aussitôt ces bons Indiens éclatent de joie, et se retirent en m’accablant de mercis.

Le lendemain, je parai de mon mieux notre petite chapelle, et j’entendis les confessions des chers Indiens, recommandant à chacun de se tenir recueilli jusqu’à la messe de minuit. En ce temps-là, ils n’avaient pas de montre, et pour eux neuf heures du soir et trois heures du matin c’était à peu près minuit. Je ne