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AUX GLACES POLAIRES

selon la coutume sauvage, la direction prise par la caravane. Rien encore.

Vingt sentiers également foulés, également anciens, rayonnent du campement dans la forêt, les uns vers le lac de l’Ours, les autres à l’opposé. Lequel choisir ?

Pour provisions, il reste deux livres de viande sèche et une de farine. Sous le bois, point de lièvres, point de gelinottes. Que faire ? Poursuivre, avec si peu, n’est-ce pas se livrer follement à la mort, tenter Dieu ? Mais Alphonse s’obstine à démêler les pistes indiennes :

— C’est trop loin pour retourner, répète-t-il, trop loin ! Cherchons, marchons encore !

— Faisons mieux, dit le missionnaire ; prions le bon Dieu de nous inspirer : nous déciderons ensuite. Veux-tu, mon enfant ?

C’était le Samedi Saint, et le soleil était tombé.

À genoux sur la neige, le prêtre et le sauvage reportent leur pensée au Maître de la vie et de la mort, dans son Tombeau, et lui demandent la vie. Ils prient aussi la divine Mère des Douleurs :

— Eh bien ! dit le père en se relevant, si tu le veux, nous retournerons. Je prendrai ma chapelle, à notre cache ; et, si les vivres nous manquent en route, je dirai la messe une dernière fois, je te communierai, et nous mourrons ensemble. Dieu ne permettra pas que nos corps soient dévorés par les loups et les carcajous. Les Indiens les trouveront, en revenant au fort ; ils les emporteront, en priant pour nos âmes, et les mettront dans le cimetière que j’ai béni, près ide l’église.

— Oh ! Père, répondit Alphonse, tu me fais le cœur fort, en parlant ainsi. C’est cela, retournons : les Flancs-de-Chiens sont trop loin maintenant.

Dans la nuit pleine d’étoiles, disant tout haut le chapelet, et suivis de Fido, ils reprirent leurs propres traces. N’ayant plus à hésiter, ils couraient plus qu’ils ne marchaient.

Aux premières heures du Dimanche de Pâques, ils atteignirent la cache.

Ils étaient si las qu’ils ne purent mordre dans le dernier morceau de la viande sèche, et qu’ils se contentèrent de