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AUX GLACES POLAIRES

Le Père Ducot reportait à l’année 1880 la souffrance qu’il regardait comme le Vendredi Saint de sa vie. Il en célébra toujours l’anniversaire, en remerciant la Providence de l’avoir sauvé de la mort, sauvé aux moyens d’un, loup, des restes d’une superstition païenne, et d’un sauvage protestant.

Un camp de Flancs-de-Chiens des environs du Grand Lac de l’Ours, qu’il avait visité, en 1879, l’avait supplié de revenir, l’année suivante, afin d’achever son œuvre d’évangélisation. Il accepta, et l’on convint que, le 1er  mars 1880, le chef, Petit-Chien, serait au fort Norman, pour prendre le père et le conduire. Le père, qui, les premières années de sa solitude, avait coutume de passer les huit mois de mars à novembre au fort Norman, et les trois ou quatre autres au fort Good-Hope, promettait d’être au rendez-vous. Le chef, quoi qu’il advînt, devait l’y attendre.

Petit-Chien se trouva, le 1er  mars, au fort Norman ; mais le missionnaire, attardé sur le chemin de Good-Hope par une poudrerie telle qu’il n’en revit jamais et « d’autres obstacles que le diable semblait susciter à chacun de ses pas », n’arriva que le 10 mars. Petit-Chien était resté quatre jours, tant que ses vivres avaient duré ; puis il était reparti, laissant un billet à l’homme de la prière pour l’assurer, foi de chef, que le camp entier l’attendrait une lune et demie, et que d’ailleurs il n’y avait que cinq jours de marche. Il aurait soin, disait-il encore, de baliser avec des branches de sapin tout le parcours, afin qu’il lui fût impossible de s’égarer.

Le 17 mars, après la messe en l’honneur de saint Patrice, le Père Ducot chargea son traîneau de provisions pour sept jours, attela ses quatre chiens, et, accompagné d’Alphonse Koutian, son jeune serviteur Peau-de-Lièvre, se lança dans la forêt.

Au bout de deux heures, ils avaient perdu leur chemin. Comme le missionnaire hésitait :

— Ne crains rien, dit Alphonse ; moi, je suis un sauvage, je m’y reconnaîtrai toujours.

Ils mirent deux jours à rejoindre le lac Kraylon (lac des Saules), qui n’était cependant qu’à douze heures de raquette de Sainte-Thérèse. Un vieil Esclave, Bèchlètsiya, pêcheur