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LES ESCLAVES

traversé le lac dans toute sa largeur, et c’est vraiment providentiel que nous ayons pu échapper à la mort, vu la fragilité de notre embarcation, dont quelques clous de deux pouces retenaient seulement les principales pièces…

Le mardi, 16, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, nous arrivâmes à la Providence.

Coïncidence remarquable, nos bonnes sœurs, voyant la tempête, avaient allumé un cierge devant Notre-Dame de Lourdes, le jour même où nous pensions périr !


Nous glisserons vite sur les longues épreuves des missionnaires et des Sœurs Grises, à la Providence. Cette petite lettre seulement, comme par spécimen, de Mgr Faraud à Mgr Taché, le 12 novembre 1869 :


…Trois fois, dans deux mois, la mission a été menacée d’être détruite par le feu : la première et la seconde on n’avait eu guère que l’effroi ; mais la troisième a failli nous mettre tous, non pas sur la rue, mais sur la grève. Avant qu’on eût le temps de s’en apercevoir, 1,800 planches ou madriers en pile, à 30 mètres de la maison, étaient en feu, et un vent violent projetait la flamme sur la couverture et la maison elle-même. C’est un vrai miracle qu’elle n’ait pas été réduite en cendres.

La perte de toutes ces planches ramassées avec beaucoup de peines et de dépenses, durant deux hivers, pour achever la maison et commencer la chapelle, nous jeta en arrière pour plusieurs années.

Au feu est venue se joindre la disette. Durant tout l’été, nous avons vécu au jour le jour, attendant le poisson, d’un repas à l’autre. Le bon Frère Boisramé a réellement été le sauveur. Comme le poisson est excessivement rare ici, en été, il a constamment tenu de 18 à 20 rets à l’eau ; et, à force de courir la nuit et le jour, il a, comme il dit, sauvé la nation…


À remarquer que les rets du Frère Boisramé étaient tendus dans le remous, au pied de la mission. Depuis, le remous s’est épuisé, et il fallut retourner, chaque année, à la Grande-Île, au bord du Grand Lac des Esclaves, à 64 kilomètres de la Providence, pour la pêche des 25,000 poissons nécessaires.

Sur les accidents de ces pêches lointaines et sur leurs conséquences le lecteur est renseigné.

Deux fois, entre les autres, le poisson manqua : la première, en 1885 ; la seconde, en 1904.

En 1885, on dut prendre 3,000 lièvres pour ne pas mourir, et 8.000, en 1904. Une telle montagne de peaux