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LES ESCLAVES

migrations poissonneuses du lac et du Mackenzie. Là, fut établi le premier fort-de-traite pour les Esclaves, le fort de la Grande-Île (Big Island).

Là aussi, fut rencontré par le Père Grollier, le 14 août 1858, le premier groupe de la tribu. Le missionnaire appela la future paroisse : Mission du Saint et Immaculé Cœur de Marie.

Elle ne dura que trois ans.

En 18(31, Mgr Grandin, trouvant la Grande-Ile trop pauvre en terre et en bois, trop en butte aux inondations et aux tempêtes du Grand Lac, résolut de chercher plus loin. Il engagea son canot dans le dédale des Îles Desmarais ; traversa l’expansion du Mackenzie, dite le lac Castor ; sauta un rapide, long, bruyant, mais non périlleux ; et, avisant sur la rive droite un promontoire pourvu de hautes herbes accusant la fécondité du sol, et couvert d’une forêt à demi-calcinée, prête à servir de combustible et de pièces à construction, il aborda. C’était à 64 kilomètres en aval de la Grande-Île. En face, le soleil couchant mêlait son or aux chevelures des premières îles qui élargissaient le fleuve en un nouveau lac. Au pied du cap, un remous tranquille invitait les bateaux. Dans les parages du remous, des masses de poissons attendaient les filets. Monseigneur ne pouvait hésiter.

Comme il escaladait la grève, la barque de M. Ross, chef du district Mackenzie pour la Compagnie, le rejoignit.

Les formules de politesse échangées, le prélat ne s’exposa point à être supplanté. Étendant un bras sur le groupe de métis dont il faisait ses témoins, et l’autre sur le promontoire, il dit à M. Ross :

« — Je vous déclare, monsieur, que je prends possession de cette place, pour y fonder une mission. Je regarde comme une bonne fortune d’en prendre possession, en présence du premier magistrat du pays. »

Le bourgeois, qui avait convoité le même endroit pour l’établissement d’une église protestante, paraissait « peu enthousiaste ».

« — Monseigneur, dit-il, vous ne savez pas ce que vous faites. Comment vivrez-vous ici ? Vous ne pouvez pas tenir tête aux protestants ; vous n’êtes pas assez riches.