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AUX GLACES POLAIRES

de la tente, ou de la maisonnette, en rampant, par une ouverture basse, aménagée à son intention. Elle aura, au plus, un abri provisoire en branchages. On lui fournira aussi un peu de bois et de nourriture, avec mille précautions. Victime des intempéries et des malaises, beaucoup meurent de froid, de faim, ou brûlées, dans ces réduits, à portée de voix du campement, et appelant en vain au secours.

Lorsqu’elle devient mère, l’épouse est soumise à une dureté redoublée, dans sa séquestration. Revêtue des plus mauvais habits, puisqu’il faudra les détruire à son retour, toute seule, à moins qu’une vieille charitable se dévoue à l’assister, elle va s’établir dans la forêt ; et là, elle attend son heure. Elle place son enfant dans une mousse préparée et le réchauffe contre son sein. S’il meurt de froid, malgré sa tendresse, l’Indienne suspendra le petit cadavre aux branches d’un cyprès, afin de le soustraire à la dent des loups, et viendra lui chanter, jusqu’au dégel de la terre, la romance de sa douleur. Quelquefois, elle suit de près son enfant dans la mort. Mgr Clut rencontra, par 47 degrés centigrades au-dessous de zéro, une jeune mère, brûlante de fièvre, avec son nourrisson tremblant dans ses bras. L’évêque baptisa le petit, ayant eu toutes les peines à trouver une marraine qui consentît à le toucher tandis qu’il était impur. À un parrain, il ne faut pas songer, alors. L’enfant expira, le jour même. Le lendemain, la mère succomba, à son tour dans sa fosse de neige, à quelques pas de la tente où elle voyait pétiller un joyeux foyer, et où elle entendait rire et chanter son mari, avec ses autres enfants. Elle était impure : nul ne pouvait se souiller, en la portant près d’un feu d& famille.

La séquestration dure deux mois pour la mère et pour le nouveau-né, si c’est un garçon ; trois mois, si c’est une fille. Après quelques jours cependant, le code sauvage mitige sa rigueur : il est permis à la femme d’occuper le coin aux débarras de l’habitation, mais personne ne-lui parlera ; pour ses repas, elle aura les restes ; les quelques objets mis à son usage seront tenus à part, et anéantis à la fin de l’épreuve.

Si, au temps de la naissance, la tribu se trouve en mar-