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AUX GLACES POLAIRES
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avons examiné ton fusil. Regarde le toi-même ; vois ce petit morceau de fer plat qui termine la crosse : c’est sûrement avec ce fer que tu as touché l’animal. Il a bien voulu ne pas se fâcher non plus que tu l’aies atteint à la tête, parce que tu es étranger. Voilà comment il n’a pas rapporté à sa nation ta mauvaise action. Mais ne recommence plus ! Nous serions perdus !


C’est la femme, par-dessus tout, que la superstition dénée tient en défiance. Elle ne doit pas enjamber le bonnet ou le fusil d’un homme : il ne tuerait plus rien ; ni marcher sur une peau d’ours : la maladie envahirait le camp ; ni voguer par-dessus les filets tendus : les poissons se déprendraient ;
R. P. Duport
ni toucher, de sa langue, la langue d’un caribou : le caribou, devenu bavard, ipso-facto, irait raconter à toute son espèce les défauts des Dénés. Il est interdit très spécialement à la femme de palper et de manger le mufle de l’orignal, morceau de noblesse : l’animal quitterait les bois devenus les gémonies de sa honte[1].

Les Pères Roure et Duport furent les témoins d’un fait récent qui montre à quelle cruauté la superstition peut encore mener quelques Indiens. Un loup rôdait autour d’un campement Flanc-de-Chien. On savait qu’il avait mangé un homme ; et tous se tenaient sur le qui-vive, non pour l’attaquer, mais pour le fuir, car d’avoir dévoré la chair

  1. Malgré la vénération que les Indiens conçurent pour les Sœurs de Charité, dès leur apparition, ils cessèrent d’apporter, à la mission de la Nativité, les mufles des orignaux que les missionnaires leur achetaient, de peur que les femmes de la prière ne vinssent à en manger. Au fort Providence, ils consentirent à donner le mufle avec la bête, mais sur la promesse formelle du père que les religieuses oncques n’en verraient le goût. Il n’y a que peu de temps que l’interdit a été levé par les Montagnais et les Esclaves, à l’égard des Sœurs Grises. Il ne le serait pas de sitôt chez les Plats-Côtés-de-Chiens.