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LES PLATS-CÔTÉS-DE-CHIENS

— Bien ! fit-elle, à la fin, en regardant les débris qui restaient dans ses mains : c’est à peu près comme ça. Si tu avais eu plus de cheveux, j’aurais pu te faire mieux comprendre. Mais c’est égal ; tu peux avoir l’idée de mon chagrin, quand je pense à ma mauvaise action. Bénis-moi, ô père de mon cœur, et demande au bon Dieu de me pardonner !


La maisonnette de 17 pieds de long, qu’avait bâtie le Père Gascon servit 7 ans au Père Roure. Au bout de 5 ans, il obtint une petite vitre, qu’il put mettre au milieu des parchemins du châssis, et qui lui permit ainsi de lire son bréviaire, à la lumière du jour. Éphémère douceur ! Un soir qu’il veillait, à côté de sa lampe de graisse de renne, la vitre vola en miettes, et un sifflement lui rasa la nuque : c’était une balle que lui tirait un sauvage à qui il avait refusé la permission de laisser sa vieille femme pour une plus jeune. Le sauvage avait passé outre. Le père l’avait « excommunié » ; et tous les Plats-Côtés l’avaient mis au ban. De rage, le polygame avait menacé le père de le tuer. Et voilà qu’il essayait de tenir parole. La balle se logea dans l’un des troncs d’arbres qui constituaient le mur. Pacifiquement, le Père Roure se leva de son escabeau et remit un parchemin.

Quant à la stabilité de cette demeure qu’il appelle un « monument sans banc, ni chaise, ni plancher, ni outil d’aucune sorte », n’en parlons pas :


Une fois, dit-il, mon toit s’effondra complètement. C’était durant la nuit du 10 au 11 novembre. Comme je l’entendais travailler, et pensant qu’il pourrait bien tomber, au lieu de rester couché à terre, devant mon feu, comme d’habitude, je me levai et j’allai me coucher contre le mur, de manière à ce que, si le toit dégringolait, les poutres ne pussent m’atteindre. Vers minuit en effet tout le toit tomba ; mais je n’eus pas de mal. Je me levai de bon matin, le lendemain, pour refaire mon abri.


Sur d’autres missionnaires, le Père Roure eut l’avantage de voir quelques rares rayons de vie intellectuelle ou sociale frapper sa nuit d’isolement. Des représentants de sociétés savantes, des géographes, des délégués d’expéditions internationales vinrent, de temps à autre, prendre leur pied-à-terre au fort Rae, parce qu’il était le plus reculé du monde