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AUX GLACES POLAIRES

simplicité primitive de ses mœurs et de sa conversion : habits de peau, saleté prodigieuse du corps et des hardes, ignorance totale des formes civilisées, mendicité outrecuidante, mais foi de Nathanaël.

C’est chez eux que Mgr Grandin disait avoir trouvé la réalisation, sans ombre, de son rêve sur l’Indien de nature, se donnant tel quel à la religion divine. De sa tournée apostolique de trois mois, en 1860, au fort Rae, où il baptisa 164 Flancs-de-Chiens, il aimait à rappeler les divers incidents, depuis son geste étendu, au Dominus vobiscum, pour abattre la pipe du « grand nigaud » qui venait de l’allumer au cierge de l’autel et la fumait tranquillement tout à côté, jusqu’à ce trait du chef, son néophyte, qu’il envoya baptiser un mourant, loin dans le bois. Le chef revint, rayonnant :

— J’ai donné un nom à mon jeune homme, dit-il au prélat.

— Et comment l’as-tu nommé ?

— Jésus-Christ.

— Assurément, tu ne pouvais lui donner un plus beau nom ; mais désormais ne donne plus celui-là : c’est le nom de Dieu, et non celui d’un homme.

— J’ai fait cela afin que Jésus-Christ se souvienne davantage de lui !


Des missionnaires visiteurs, à savoir les Pères Grollier, Eynard, Gascon, Petitot et Mgr Grandin, le principal fut le Père Gascon. Il alla sept fois au fort Rae.


Le premier missionnaire résident des Plats-Côtés-de-Chiens fut le Père Bruno Roure, de 1872 à 1911.[1]

De ces trente-neuf ans, il en passa quatorze absolument seul, sauf les quelques mois de 1879, où le Frère Boisramé vint lui bâtir une maison, et le temps des visites « bisannuelles » de Mgr Clut, son confesseur. De confrère prêtre, il n’eut, pendant 21 ans, que le Père Ladet, qui demeura au fort Rae de 1886 à 1889. Il lui fallut attendre 1903 pour

  1. Né à Saint-Jean-de-Pourcharesse, près Vans (Ardèche), le 13 octobre 1844.