Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
LES COUTEAUX-JAUNES

festement. Après de grandes fatigues et de nouveaux dangers, nous rentrâmes au fort des Liards.


À son retour du fort Halkett, en septembre 1862, le Père Gascon prend le fleuve Mackenzie, au fort Simpson, et le descend vers le fort Good-Hope (800 kilomètres), où l’appelle le Père Grollier. Le 7 octobre, son canot est arrêté par la glace. Il marche cinq jours, bagages sur le dos, le long des grèves. L’année suivante, il revient à Saint-Joseph.


L’endurance du Père Gascon dans les voyages, comme dans ses habitudes régulières, fit voir la somme d’efforts que peut arracher à la faiblesse d’un corps l’énergie d’une âme.

Long, fluet, délabré, semblant n’avoir que la charpente osseuse, les sauvages le qualifièrent tout de suite : le Priant maigre, Yialtri-gon. Sa digestion ne souffrait que peu de nourriture. Cinq minutes suffisaient à ses trois repas mis ensemble. Il n’avait pas souvenance que les crampes d’estomac l’eussent laissé dormir plus d’une heure par nuit : couché vers minuit, il était debout à deux heures. De son grabat il passait à la chapelle pour « tenir compagnie à Notre-Seigneur ».

Prier, travailler, souffrir sans murmurer furent toute sa vie.

Aux voyages de l’hiver, il allait invariablement à pied. Il courait, courait, sur ses raquettes, et les jours et les nuits. La mauvaise place du campement était la sienne. Astreint par sa pauvreté, autant que par la nécessité, à ne se charger que de l’indispensable, il partait souvent sans linge de rechange. Un jour qu’il n’en pouvait plus de vermine, il emprunta une vieille chemise d’un employé de la Compagnie. Il vit la sienne, en la déposant, noire, remuante. Il ne cessa cependant de se reprocher cette action comme « une faiblesse et une immortification ».

Comme si le démon se fût acharné contre ce François-Xavier des Dénés, il ne rencontrait partout que mauvais pas et aventures enguignonnées ; ce qui lui valut son autre nom indien : Yialtri-Douijé, Le Priant de misère.

Mais ces souffrances, les souffrances énumérées jusqu’ici dans ce livre, qui furent le compte du Père Gascon, en tant