Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
AUX GLACES POLAIRES

Le Père Gascon poursuivit aussitôt sa course jusqu’au fort des Liards, où il arriva le 4 septembre, trois jours avant le ministre : les sauvages furent donc à lui.

Trois fois, coup sur coup, il refit, afin de soutenir ses néophytes, cette randonnée de 875 kilomètres, du fort Résolution au fort des Liards.

Il voulut pousser plus loin son deuxième voyage, en faisant l’assaut du fort Halkett. Le fort Halkett, abandonné bientôt après par la Compagnie, à cause de son inaccessibilité même, centralisait les chasses de deux fragments de tribus des montagnes Rocheuses, les Sékanais et les Mauvais-Monde. Ce n’est qu’à la deuxième tentative que le Père Gascon atteignit le but. Et encore ne trouva-t-il que quelques âmes. De son premier échec, il a laissé cet aperçu :


Après avoir remonté pendant deux jours la rivière, du fort des Liards, nous nous engageâmes dans la rivière du fort Halkett, appelée à bon droit rivière du Courant fort[1]. Elle est très étroite, très dangereuse, pleine de rapides. Les serviteurs de la Compagnie y montent les barges à l’aide du câble. Un de nos hommes faillit s’y noyer. Il y a là certain endroit où l’on se trouve enfermé entre quatre rochers énormes, puis un passage que l’on désigne sous le nom de Porte de l’Enfer, et non loin se trouve le Portage du Diable. Tout cela est sinistre. Chaque coup de rame produit un bruit qui, s’en allant de rocher en rocher, répercuté par des échos, fait vraiment frissonner. Arrivé an Portage du Diable, j’appris avec chagrin que les sauvages n’étaient point au fort Halkett. Il fallait rebrousser chemin. Jugez de ma douleur et de mes craintes ; mais il n’y avait point à hésiter sur le parti à prendre. Il fallut que chacun commençât par faire de ses bagages un paquet qu’il pût porter sur ses épaules ; puis, nous nous mîmes en route par terre. Nous avions d’abord à gravir les pentes roides de la montagne, puis à descendre des précipices affreux. Impossible de vous dire les dangers de cette route. Plusieurs fois, les cheveux se dressèrent d’épouvante sur ma tête. Je faillis tomber plusieurs fois ; et toute chute eût été mortelle. Je ne vous parle point des crampes qui me saisirent aux jambes et me firent tant souffrir. Arrivons au bord de la rivière, à un endroit où elle paraît moins dangereuse. Nous prendrons le canot, tout ira mieux. Nous y étions à peine installés tous les sept qu’un faux mouvement de nos hommes nous exposa au plus grand danger de nous noyer. Mais non, nous arriverons sains et saufs, car Dieu nous protège mani-

  1. Cette rivière Courant fort est la rivière des Liards elle-même, depuis sa source jusqu’à l’endroit où elle reçoit la rivière Nelson.