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AUX GLACES POLAIRES

Pères Laffont, Bocquené et Riou, continuèrent cet apostolat nomade. Grâce à leurs efforts, il n’est plus un des 500 Mangeurs de Caribous du Fond-du-Lac qui ne soit catholique éclairé et fervent.[1]

Le Père Riou, directeur actuel de la mission, trouva même le moyen de faire bénéficier ses sauvages, grands et petits, du décret libéral de Pie X sur la communion fréquente.


Pour son bouquet d’adieu, le Père Breynat reçut de ses enfants des témoignages qui lui dirent hautement les qualités de leur cœur. Nous l’avons entendu raconter, avec un plaisir touchant, la conversion de Michel le sorcier et la visite de la vieille Petite-Flèche.


Michel était un scandaleux près duquel avaient échoué tous les efforts des missionnaires. La dernière fois qu’il l’avait rencontré dans les bois, le Père Breynat avait refusé de lui toucher la main, — ce qui est le plus grand affront prévu dans l’étiquette sauvage, — et lui avait dit, en présence de tous :

— Je ne te verrai plus, puisque je vais partir pour toujours. Mais tu pourras penser que personne ne m’a fait autant de peine, que toi. Tu as fait pleurer le cœur de ton père.

Quelque temps après, Michel entre à la mission, lui qui, de dédain, n’y avait jamais mis les pieds, lorsqu’il venait au fort. Il semblait tout attristé.

— Qu’y a-t-il donc, Michel ; quelqu’un est-il malade chez toi ?

— C’est moi qui suis malade, Père, et qui ai le cœur pas à son aise. Depuis que je t’ai vu dans le camp, et que tu ne m’as pas touché la main, j’ai toujours devant moi

  1. Les Mangeurs de Caribous savent lire l’écriture en caractères syllabiques, et cette connaissance contribue beaucoup à l’entretien de la foi éclairée. Le missionnaire dont nous parlons, comme ses devanciers, se fit leur maître d’école. Le succès dépassa son attente. Il ne trouva qu’un récalcitrant qui lui donna, du reste, ses motifs :

    « — Je ne veux pas apprendre à lire, moi. J’ai de l’esprit, vois-tu. Si je savais lire, on dirait que j’ai pris dans les livres ce que je raconte ; tandis qu’autrement tout le monde sait que ça vient de là (montrant son front). »