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AUX GLACES POLAIRES

nous hâter de restaurer ce délabrement. Pendant trois semaines, nous voilà devenus maçons bousilleurs. Affublés d’une longue blouse, nous pétrissons de la boue avec du foin, et armés de la truelle, nous bouclions les nombreuses crevasses du toit et des murs. Quel propre métier, cher ami ! Oh, si vous aviez vu comme j’étais beau !


Le Père Breynat, avec l’aide des Frères Hémon et Leroux, bâtit la maison-chapelle désirée, sur 72 pieds de long et 22 de large. Elle suffira longtemps. Si le missionnaire continua de s’y réveiller, chaque matin d’hiver, la barbe collée à ses couvertures par le givre de sa respiration, ainsi que dans les anciennes bicoques, les sauvages venus pour Noël furent dans le ravissement. Clovis ne crut pas davantage que Reims était le vestibule du ciel.

Et la crèche donc !


Elle est faite en papier, raconte le missionnaire, imitant des rochers dont les crevasses ont reçu un peu de mousse et quelques petits sapins. L’Enfant Jésus est couché dans la grotte, sur un peu de paille. La Sainte Vierge et saint Joseph lui sourient du haut du ciel. Mes Mangeurs de Caribous, le frère et moi, tenons la place à la fois des bergers, de l’âne et du bœuf…


Pour compléter le progrès e la maison-chapelle, il était temps de penser à un jardin.


Afin de procurer un petit secours à la mission, j’ai voulu essayer de faire un petit jardin. Mais quelle besogne ! Nous n’avons ici que du sable et des roches. Il faut aller gratter dans les fentes des rochers et ramasser les quelques pouces de terre que le vent y a jetée, mêler cette terre avec de la glaise et du sable, lui confier la semence de pommes de terre ; ensuite ce sera au bon Dieu de faire germer et fructifier. L’an passé, j’avais fait un premier essai, mais peu encourageant : deux fortes gelées, arrivées l’une à la mi-juin, l’autre vers la mi-août, ne m’avaient permis de récolter que le double de la semence. La place était mal choisie, me suis-je dit ; prenons-en une mieux abritée du vent du Nord et plus exposée au soleil… Je vous en donnerai des nouvelles l’année prochaine. Si le succès est un peu plus heureux, le petit jardin verra grandir ses proportions chaque année, et peut-être fournira-t-il, comme dans d’autres missions, quelques choux et quelques navets : ce sera délicieux, avec le poisson ! Mais… attendons.


Pas plus que ses prédécesseurs, le Père Breynat n’échappa