Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
LES MANGEURS DE CARIBOUS

sieurs récidivistes et de quelques excommuniés de vieille date.

Parmi les moyens secondaires de sa pieuse invention, une image d’Épinal de deux sous le servit à merveille. Comme elle représentait les flammes de l’enfer, et montrait, au milieu des damnés grimaçants, « une face qui ressemblait justement au plus vilain des revêches », le missionnaire exposa l’emblème dans la salle des sauvages, avec cette inscription montagnaise : « Ceux qui vont en enfer font pitié. » À la grand’messe, il annonça que les noms des excommuniés seraient inscrits à la place d’honneur de ce tableau d’horreur. C’était prendre l’Indien par ses deux touches ultra-sensibles : la terreur dû châtiment et la peur du ridicule. Presque tous les endurcis se convertirent.


Moins de huit mois suffirent au Père de Chambeuil pour rendre son élève digne de lui. Le laissant seul en charge des Mangeurs de Caribous, il se rendit à la Nativité, comme missionnaire de la tribu montagnaise.


Le premier courrier qui arriva de France au Père Breynat lui annonça la mort de son père, et le courrier suivant la mort de sa mère et de sa sœur. La sainte madame Breynat, après avoir lutté contre un long déchirement de l’âme, avait joyeusement embrassé l’épreuve de la séparation, au départ de Gabriel. Dieu semblait n’avoir attendu que la perfection de son sacrifice pour la couronner. Il l’appela à Lui, en la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Sa jeune fille la suivit dans la tombe, le jour de l’octave. Il ne restait à l’orphelin qu’un frère aîné, l’abbé Joseph Breynat.

Ayant appris ces deuils qui frappaient leur missionnaire, et le voyant pleurer, les Mangeurs de Caribous lui apportèrent des peaux de martres, comme honoraires de plusieurs messes pour ses chers défunts ; et l’un des principaux parla au nom de tous :

— Eh bien ! maintenant que tu es orphelin, tu nous aimeras encore davantage, car nous allons te servir de père et de mère !

Une consolation était arrivée en même temps que les tristes nouvelles : une lettre de Mgr Grouard, invitant l’Oblat