Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
AUX GLACES POLAIRES

paisibles légions. Au signal convenu, la fusillade éclate. C’est l’hallali. Les bêtes effarées détalent dans tous les sens, semant les cadavres sur la neige cramoisie de sang. L’abondance règne, cet hiver-là, dans la patrie des Mangeurs de Caribous et de leurs missionnaires.

Mais si le renne ne vient pas ; ou bien si, imprudemment traqué par des chasseurs inhabiles, il porte à cent lieues de là ses pénates vagabonds ; ou encore si le vent, sur lequel il règle sa marche, s’obstine à souffler de l’est à l’ouest et l’entraîne à des distances que l’homme ne peut plus franchir, qu’arrivera-t-il ?

C’était autrefois la famine pour les Mangeurs de Caribous. Les malheureux mouraient, à côté de leurs lacs pleins de poissons, n’ayant point d’instruments de pêche. Habitués à la venaison, ne pouvant croire que le gibier ne viendrait pas à son heure, ils n’avaient cure de s’approvisionner d’un poisson qu’ils dédaignaient. Les missionnaires leur apprirent à se servir de l’hameçon et du filet.

Sur la fin du xviiie siècle, la Compagnie du Nord-Ouest bâtit un fort-de-traite au Fond-du-Lac. Le fort fut dévalisé et tout le personnel massacré par les sauvages. Personne ne s’aventura plus dans ces parages, jusqu’à l’époque des missionnaires.

En 1853, la Compagnie de la Baie d’Hudson recommença l’entreprise. Mais elle était assurée d’un accueil sympathique, car depuis que quelques indigènes du Fond-du-Lac étaient venus au fort Chipewyan apprendre du Père Taché et du Père Faraud que le vrai Dieu a dit : « Tu ne tueras point. Tu ne voleras point », les Mangeurs de Caribous respectaient la vie et le bien d’autrui.


Sur la barge qui fit le premier voyage du fort Chipewyan au Fond-du-Lac, prit place le Père Grollier, premier missionnaire des Mangeurs de Caribous.

Il passa, parmi les 600 Indiens, l’hiver et le printemps 1853-1854. Forcé de retourner à la Nativité, pour permettre au Père Faraud d’évangéliser les régions du Grand Lac des Esclaves et de la rivière la Paix, il revint à ses Mangeurs de Caribous, chaque printemps jusqu’en 1858.

Les missionnaires des années suivantes furent les Pères Clut, Séguin, Eynard et Faraud.