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LES MANGEURS DE CARIBOUS

serait gras et délicieux. Quoique très farouche par nature, il s’apprivoise bientôt et devient l’incomparable coursier des neiges. Les Lapons l’attellent à leurs traîneaux. Mais les Peaux-Rouges croient que si l’on capturait l’un de leurs caribous, son esprit irait raconter aux autres caribous que la liberté de la race a été odieusement violée, et que tous déserteraient le pays déné. Aussi, le gouvernement canadien s’est-il buté à un échec aussi total que coûteux, il y a quelques années, dans une tentative d’importer au Mackenzie des rennes domptés de Terre-Neuve et d’enseigner aux Indiens l’art de s’en servir.

Le domaine privilégié du renne est la Terre Stérile (Barren Land), qui borde l’océan Glacial.

La Terre Stérile, dépourvue de toute végétation forestière, est couverte d’une mousse blanchâtre, épaisse et tendre, qui ne semble tirer sa sève que des rochers qu’elle tapisse. Cette mousse est la nourriture recherchée du renne. Il la broute, tout l’été polaire, dans les steppes de la Terre Stérile, sous le soleil sans nuit. Aux approches du froid, il se met en marche vers le sud ou le sud-ouest, afin d’hiverner dans les forêts limitrophes de la Terre Stérile. Il ira, dans ces forêts qui rejoignent le Grand Lac de l’Ours, le Grand Lac des Esclaves et le lac Athabaska, aussi loin qu’il y rencontrera l’abondance des mousses arctiques.

C’est ainsi que le Fond-du-Lac Athabaska se trouve sur le passage du renne nomade.

Autrefois les Mangeurs de Caribous suivaient constamment le renne, l’hiver et l’été ; mais depuis l’établissement du commerce des fourrures, ils ne dépassent plus guère les abords de la Terre Stérile.

C’est généralement vers le 1er  novembre que le renne paraît au Fond-du-Lac, s’il doit venir. Il arrive en troupeaux innombrables. Pas plus que des oies sauvages de l’ouest du lac, on ne pourrait calculer le nombre des caribous de l’est. Ceux qui ont vu défiler, sur les lacs gelés, ces forêts de ramures et entendu le galop sonnant des sabots sur la glace, renoncent à décrire l’impression de vie que leur a donnée le spectacle. Les camps indiens se forment alors en tirailleurs, au bord des bois vers lesquels se dirigent, allant d’elles-mêmes ou menées par la ruse des chasseurs, ces