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AUX GLACES POLAIRES

des Esclaves au confluent des rivières Boucane, Cœur et la Paix, endroit appelé maintenant Peace River[1] :


Mon bidet s’était largement repu dans les hautes herbes de la prairie ; et, quand je le sanglai le matin, il avait un ventre parfaitement arrondi. Bon, me dis-je, il pourra fournir une longue carrière. Je l’enfourchai et partis… Il y avait plusieurs heures que je marchais quand je rencontrai le plus vilain des marécages… J’y dirige ma monture. La malheureuse bête y entre, s’y enfonce, s’en retire, s’y replonge plus avant, fait des efforts inouïs et des bonds désordonnés pour s’arracher de la fondrière. Mais le temps n’était plus où elle avait le ventre si plein ; la nature avait fait son œuvre ; la sangle s’était relâchée, sans que je m’en doutasse. Au milieu de ces secousses répétées pour se tirer du bourbier, la selle s’ébranle, tourne, et me voilà désarçonné, le dos dans la vase. Je me relève, un peu abasourdi de cette chute imprévue sur un sol sans doute assez moelleux, et je me console en trouvant mon cheval immobile et presque aussi penaud que moi. Je lui sus bon gré de me faire une mine aussi sympathique, le pris par la bride, me chargeai de la selle et sortis enfin, non sans quelques éclaboussures… Me remettre en selle et atteindre une vaste prairie qui n’était pas loin de là, lâcher ma pauvre bête dans l’herbe et me sécher moi-même au soleil : voilà toute la suite et la conclusion de ce récit.


Mgr  Grouard réside aujourd’hui, à la mission Saint-Bernard du Petit Lac des Esclaves.

Au pied de son large coteau boisé, il voit grandir la riante petite cité, à qui la reconnaissance des colons a confié l’honneur de redire aux siècles le nom de l’évêque missionnaire et pionnier. C’est de Grouard que, se reposant de peu sur son coadjuteur, il continue à nourrir, à soutenir, à gouverner, à visiter ses Sauvages, ses Blancs, ses religieuses, Sœurs Grises et Sœurs de la Providence, ses Oblats et ses prêtres séculiers, qui le chérissent à l’envi.

Dominus conservet eum, et vivificet eum, et beatum faciat !…[2]

  1. Ce chemin de charrette, qui ne mesurait pas moins de 145 kilomètres, a été remplacé récemment par le chemin de fer d’Edmonton à Peace River.
  2. Heureuse nouvelle ! Le lecteur pourra bientôt s’assurer par lui-même combien peu nous avons dit de Mgr  Grouard. Depuis que ce chapitre est fait, Monseigneur s’est laissé convaincre par l’excellent journal La Liberté, de Winnipeg (Canada), qu’il devait écrire ses mémoires. Il les commence ainsi :