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AUX GLACES POLAIRES

une belle cage… Je dois confesser, sans humilité, que je n’ai pas les qualités requises pour les fonctions qui me sont imposées. Je suis de nature un peu sauvage et d’humeur aventureuse et vagabonde. En outre, je me crois juste assez de religion pour pouvoir honnêtement enseigner le catéchisme aux pauvres Indiens ; et c’est pourquoi je m’estimais, avec présomption peut-être, capable de remplir les devoirs de missionnaire ambulant. Mais il y a loin de là au métier de maître des novices que je fais maintenant, et de directeur de religieuses, que je dois subir aussi ! Ce qui me console c’est que la responsabilité du choix de ma personne pour la charge que l’on m’a confiée repose sur mes supérieurs. Je me considère comme une cheville entre leurs mains, et ils peuvent me planter dans n’importe quel trou qu’ils voudront. Je ne pousse cependant pas la perfection jusqu’à n’avoir point de préférences pour mon ancienne vie. Qui me rendra la solitude, la liberté, le dégagement des affaires, l’attention à moi seul et à mes sauvages ? Donner des ordres, surveiller autrui, pourvoir aux besoins de tout le monde, au temporel surtout, sont des choses pour lesquelles j’ai une antipathie invincible…

En revanche, j’ai fait un progrès notable, et que je vous communique avec une certaine fierté. C’est que le Frère Boisramé m’a dompté à la scie, cet hiver, et que nous sommes devenus, lui et moi, de fameux scieurs de long. Pour commencer, nous avons scié 1,300 planches ou madriers, et nous nous proposons d’en scier bien davantage, l’année prochaine, pour notre future chapelle…


L’année 1873 réduisit à l’état de ruine la forte constitution du Père Grouard. On le crut perdu pour les missions. L’une des conséquences, et non la plus grave, de son délabrement était une extinction de voix si complète qu’il ne lui était plus possible de célébrer la sainte messe, ni même de parcourir autrement que des yeux les pages de son bréviaire. Mgr Faraud l’envoya chercher en Europe les soins des spécialistes.

Le missionnaire quitta le fort Providence, où il avait tenu jusqu’au bout, l’automne 1874.

Deux ans de l’air natal et du traitement des médecins de France lui rendirent la santé.

Entre temps, il s’outilla davantage pour le bien des missions, apprenant la typographie, la reliure, et se perfectionnant dans la peinture :


J’ai trouvé, dit-il, le moyen d’employer une partie de mon temps d’une manière profitable, en allant prendre des leçons