Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
LES MONTAGNAIS

Le Père Eynard mourut, le 6 août 1873, dans le lac Athabaska, au pied de la chapelle de la Nativité.

Des bains froids lui faisaient du bien. Il était excellent nageur. Myope et délicat, il voulait prendre l’assurance que les sauvages n’apercevraient pas ses mouvements ; c’est pourquoi il se levait avant le jour. Il faisait sa prière, sa demi-heure de méditation, et passait au lac. Ses ébats finis, il continuait à prier jusqu’à cinq heures, temps de sonner le réveil de la mission.

Le matin du 6 août, le Père Laity, étonné de ne pas entendre la cloche, s’en fut à l’église. Le livre de méditation du Père Eynard était là, ouvert à la page de la Transfiguration. Sa croix était posée sur le bord du gros bénitier, taillé jadis par Mgr Faraud dans un bois de grève. Le Père Laity courut au lac. Il ne trouva que les habits dans un pli de rocher. Avec l’aide du commis du fort, on fouilla la baie, et l’on trouva, tout près du rivage, sous quatre pieds d’eau seulement, le corps du missionnaire, les bras presque croisés, la figure sereine. Il avait dû mourir instantanément.

Le deuil fut général à Athabaska. Protestants et catholiques pleurèrent le missionnaire tout aimable.

« — Je n’ai point connu de religieux plus parfait que lui », disait Mgr Grandin.

Mgr Faraud, perdant le premier de ses collaborateurs, s’écriait :

« — C’était le modèle du religieux et du prêtre, que rien ne pouvait distraire de l’accomplissement de ses devoirs. C’était l’homme du dévouement et du bon conseil. Quel vide dans le vicariat ! »



Mgr Émile Grouard[1] (1840)


Mgr Grouard naquit à Brûlon, diocèse du Mans, le 2 février 1840. Petit cousin de Mgr Grandin, il entendit de

  1. En langue dénée, dialecte esclave : Yaltri-bê-da-ra-shlan. Le priant au menton abondamment fourni de poils, Yaltri (le priant), bé (son) — da (menton) — ra (poil) — shlan (il y en a beaucoup).