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AUX GLACES POLAIRES

blant, nous voyons devant nous le fort Chipewyan avec ses dépendances, magasins et maisons d’engagés, échelonnés sur une seule ligne que termine le temple protestant. Toutes ces constructions, blanchies à la chaux, se dessinent nettement sur un promontoire de granit, dénué de toute végétation, et nous donnent l’idée d’un joli village de pêcheurs.

« Là-bas, un peu plus à l’ouest, nous voyons la mission de la Nativité, modestement assise au fond d’une petite baie, dans une basse vallée entourée de rochers massifs, ici nus, là légèrement boisés. Sur le plus élevé, se dresse une grande croix dont les bras, revêtus de fer-blanc, reflètent les dernières lueurs du jour. Cette vue nous réjouit l’âme, et de notre cœur s’échappe l’invocation : O Crux, ave, spes unica ! Puis, abaissant nos regards, nous distinguons, au milieu des ombres du crépuscule, la chapelle, à droite de laquelle-se dresse notre maison ; et, à gauche, le couvent des Sœurs Grises. Nous approchons du but de notre voyage. Des coups de fusil répétés, partant de la mission, nous apprennent que nous avons été signalés… Nous abordons enfin au rivage, où des Frères dévoués nous accueillent avec une joie que nous partageons. C’était le 2 août, sur les dix heures du soir. Je me rappelai que, précisément le même jour, il y avait de cela vingt-six ans, je débarquais pour la première fois sur le rivage du lac Athabaska. »

À cette description faite en 1888, par le Père Grouard, arrivant du sud et regardant vers le nord, répond celle du Père Taché, debout, quarante ans auparavant, sur le « promontoire » du fort, et regardant vers le sud :


Le fort Chipewyan, bâti sur les hauteurs qui bordent au nord le lac Athabaska, commande une vue magnifique. À l’est, c’est l’immensité de la mer ; au sud, l’agréable variété d’îlots nombreux qui se dessinent sur le fond toujours verdoyant d’une épaisse forêt de sapins. Le nord déroule les plis sinueux de sa solide ceinture de granit, et le soleil couchant éclaire les petits lacs, les cours d’eau, les-hauts-fonds de sable, les prairies qui terminent le grand lac. La scène est aussi variée qu’imposante, pendant la belle saison. Pourquoi faut-il qu’un hiver de plus de sept mois en confonde tous les points dans une glaçante monotonie ?


L’emplacement de la mission de la Nativité, situé à un mille à l’ouest du fort, fut choisi par le Père Faraud, en