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L’ÉVÊQUE DE PEINE

Le Petit Lac des Esclaves et Mgr Clut étaient connaissances de vieille date.

Il était venu échouer sur ses bords, l’hiver 1881-1882, chassé qu’il était par la mission jeûnante du fort Dunvegan, et n’ayant pas trouvé le temps de regagner le lac Athabaska. Il se souvenait d’avoir, cet hiver-là, parcouru les 130 kilomètres de sa longueur, en compagnie du Père Husson, pour aller voir Mgr Faraud, au lac la Biche :


Nous mimes deux jours, écrivit-il alors, pour traverser le Petit Lac des Esclaves. La glace était épaisse et formait un magnifique miroir sur lequel nous glissions et tombions à chaque instant. Pour ma part, je tombai plus de soixante fois. À la fin, j’étais tout endolori, et mes pauvres coudes surtout, qui, avec les mains, se portaient en avant pour atténuer les chutes, étaient tout meurtris.


Le voilà donc au port de ses dernières années. Il se gardera bien de l’oisiveté, ce travailleur ; et, presque à l’extrémité, lorsque sa mémoire défaillante ne lui permettra plus de s’occuper directement des âmes, il défrichera, dans la forêt touffue, le vaste emplacement destiné à recevoir la belle mission Saint-Bernard d’aujourd’hui.

Au cours de ces neuf ans, il reprit même la raquette, et, sous la tutelle du Père Falher, « le voyageur de la rivière la Paix », il porta à plusieurs nouvelles chrétientés lointaines, la bénédiction du Grand Chef de la Prière et le sacrement qui fait le cœur fort.


Mgr Clut mourut, frappé d’apoplexie, le 31 juillet 1903.

Il repose, au pied d’une petite croix de bois, dans l’enclos sacré des missionnaires du Petit Lac des Esclaves, près du Père Collignon, son fils dans le sacerdoce.


Sur les restes de cet humble vaillant, si l’on voulait placer une épitaphe, l’on n’en trouverait pas de plus digne de lui, nous semble-t-il, que ces lignes, tombées de sa plume, tristement — mais si chrétiennement ! — un jour de 1871, lorsqu’au bout d’un voyage de 260 kilomètres dans les glaces, après avoir dépensé ses forces à instruire un camp de la tribu des Esclaves et à les préparer, les uns à leur première communion, tous à la confirmation, il les vit lever