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L’ÉVÊQUE DE PEINE

Parce que ces animaux sont sales et dégoûtants !

Eh, eh ! Ma fille ne pense pas comme toi, Grand Chef de la Prière. Elle en fait ses délices. Si tu savais comme c’est bon ! »


Vieilli, il s’amuse à noter l’étonnement d’un missionnaire débutant, devant ces spectacles, et il écrit, non sans songer — peut-être — à insinuer, du même coup, à bon entendeur la morale abstraite du cuique suum — à chacun ce qui lui revient — principe de la paix, dans les ménages comme dans les nations :


Le Père Ducot est arrivé de sa mission du fort Norman… Il nous raconte bien des choses dont j’ai été témoin bien souvent moi-même ; mais qui lui font plus d’impression, parce qu’il est plus nouveau dans nos pays sauvages. Il nous dit qu’étant allé instruire les Indiens dans leurs camps, ça et là, sur leurs terrains de chasse, il a été bien édifié de leur désir de s’instruire et de l’ardeur avec laquelle ils priaient. Mais dans ses visites à domicile, et couchant dans les huttes sauvages, il a eu souvent sous les yeux les habitudes peu propres des Indiens. Les loges de peaux ou de branches sont bien petites et mal commodes, et leurs habitants bien misérables. Aussi, soit pauvreté ou malpropreté, les Peaux-de-Lièvres sont couverts de vermine. Il est vrai qu’ils ne la redoutent pas et qu’elle les incommode fort peu. Ils la croquent à belles dents. Le Père Ducot a vu des enfants se disputer, se battre, pour avoir le fruit de la chasse qui se trouvait sur le peigne. Un jour il vit une femme dépouillant son mari ; mais comme elle le dépouillait à son profit, le mari réclama et fit observer à sa compagne que ce qu’elle trouvait dans ses habits et sur sa tête, et qu’elle mangeait de si bon cœur, lui appartenait à lui-même. Alors la dame, au lieu de porter les poux à sa propre bouche, les présentait avec une certaine gentillesse à celle du mari qui les dégustait.


Le prélat ajoute aussitôt :


Tous nos Indiens du vicariat avaient cette détestable habitude, lorsque nous arrivâmes, et la conservent encore plus ou moins. Cependant, grâce à la civilisation que nous tâchons de leur communiquer, grâce à nos écoles, dans quelques localités, Un grand nombre ont renoncé, ostensiblement du moins, à cette pratique.[1]

  1. Si le missionnaire ne peut encore se flatter d’échapper à la vermine, dans les visites qu’il fait aux camps sauvages, il retrouve du moins la tranquillité, avec la propreté, en rentrant chez lui. Les Indiens qui fréquentent la mission sont eux-mêmes de mieux en mieux policés.