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au même feu le poisson des hommes, la viande cuite d’avance, ou le pémican. En deux minutes, la chaudière remplie de neige, et retenue par une perche, bout sur le brasier. On y jette la poignée de thé. Le thé est l’ambroisie et la panacée du Nord, le tonique rafraîchissant et reposant dont personne ne se passe. Tout manquera, mais point le thé. Si c’est l’année aux lièvres, il flottera dans la théière des matons révélateurs, que recèlera toujours la neige la mieux choisie. Mais qu’importe, depuis
Un missionnaire en costume
de voyage, l’hiver.
que l’on sait que l’ébullition stérilise tout !

Le souper est apprêté. À table, convives, sur le sapinage, à moins que, « rôtissant d’un côté et gelant de l’autre », vous ne préfériez girouetter devant le feu, le temps du repas ! Une remarque pour les nouveaux venus, s’il fait extrêmement froid : ne porter à la bouche ni couteau, ni fourchette, ni tranchant de hache. Le fer s’y collerait mieux qu’à la glu. Plusieurs perdirent, à cette imprudence, des lambeaux de leurs lèvres.

Là-dessus, une pipe, si c’est le goût ; un bon rire fraternel sur les drôles aventures de la journée ; la prière du soir en famille sous le regard des étoiles, si avivées dans la nuit bleue arctique qu’on les dirait fixées comme des yeux d’anges à la hauteur d’une échelle de Jacob, parmi les évolutions indescriptiblement animées des aurores boréales ; et, le cœur remis au Dieu qui dans « l’envers des cieux, si doucement rayonne », bonsoir à la terre ! Grand silence.

Le lit est à bon marché. Sur le sapin, une toile commune a été jetée, si l’on est riche. Les pieds vers le feu, le chef vers les parois de la fosse, chacun s’enveloppe dans sa couverture, ne laissant à son haleine que l’indispensable