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L’ÉVÊQUE DE PEINE

je le bénis et lui donnai l’accolade fraternelle, malgré ma barbe chargée de glaçons.


Le lendemain de ce Noël, Mgr  Clut repartit, mais en traversant dans sa largeur le Grand Lac des Esclaves, afin de passer chez le Père Gascon, au fort Résolution, et de lui rendre le même service qu’au Père Roure. Il devait arriver le 30 ou le 31.

Le 31 décembre, à dix heures du soir, nous le trouvons campé sur une île du large, battue des vents :


… Il faisait horriblement froid, et je ne pouvais fermer l’œil. Pour en finir, à onze heures et demie je fis l’appel de mon monde. On ralluma le feu. À minuit, d’après ma montre, nous nous souhaitâmes la bonne année, et nous fîmes un festin matinal, avec des langues de caribou, quatre ou cinq biscuits, et un peu de café, que j’avais conservés en vue du premier de l’an, jour de grande fête dans le pays…

Nous partîmes à deux heures du matin, neuf heures avant le lever du soleil…


Les nuits à la belle étoile, que Mgr  Clut vient de mentionner, ne sont pas les plus dures qu’il ait passées sous le ciel polaire. Il lui arriva, comme aux autres missionnaires, d’avoir à se coucher en plein lac balayé par la poudrerie, entre ses chiens blottis et son traîneau renversé.

Toutefois, ces campements de déplaisir ne sont pas l’ordinaire.

Le campement d’hiver, dressé selon les souhaits et les règles, ne manque pas tout à fait de confort, voire de poésie… à quelque distance.

Il coûte deux heures de travail.

La caravane s’efforce de parvenir, le jour tombant, à quelque lieu boisé. Pendant que le plus digne (l’évêque, s’il s’y trouve), déblaye à l’aide de sa raquette, convertie en pelle, l’espace d’une fosse de dix à* vingt pieds carrés, dans la neige profonde, les autres abattent des sapins, dont les branches vertes tapisseront la moitié de la fosse, et dont les troncs, jetés par-dessus l’autre hémicycle, serviront de bûcher. On allume. La flamme jaillit, grésillante de résine, lançant dans le noir ses longues gerbes de feu d’artifice, et faisant éclater en détonations de mitraille les arbres calcinés.

À ce foyer sauvage, on présente d’abord le poisson des chiens pour le faire dégeler. Les coursiers repus, on amollit