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L’ÉVÊQUE DE PEINE

Au bout de ces longs pèlerinages apostoliques, l’évêque trouvait-il toujours le rafraîchissement du repos et la joie ? Il s’en fallait. Plus d’une fois, l’auguste visiteur put lire sur la figure des missionnaires qu’il venait revoir et réconforter, au lieu du bonheur attendu, et qu’ils eussent voulu lui exprimer, l’inquiétude si mal voilée qu’il comprenait dès l’abord : On jeûnait là ; et lui, le pasteur bien-aimé, qu’on avait supplié de venir, en des lettres écrites au temps de l’abondance, devenait, en arrivant pour cet hiver, l’indésirable, la bouche inutile, nuisible même au maintien de la mission. Il le comprenait et aussitôt s’en retournait, sachant qu’il serait peut-être isolé par les glaces, et qu’il n’arriverait à une mission, qui put le nourrir, qu’après des souffrances incroyablement pénibles.


Mgr Clut écrivit, dans son journal, le récit courant de ses épreuves. Près de mille pages s’y pressent, sans marges ni interlignes. « Et tout n’y est pas », dit-il. La simplicité et la bonhomie de l’allure achèvent de provoquer l’étonnement et l’admiration. Ces quinze cahiers jaunis seront-ils organisés un jour en un ouvrage, et publiés ? Souhaitons-le pour la gloire de l’Église. Nous les avons lus et relus avec émotion, savourant, comme en un contact direct, la grande âme d’un missionnaire des petits, qui pouvait bien dire, en l’appliquant à sa vocation, la parole de Jeanne d’Arc, demandant qu’on ne l’empêchât point de sauver la France : « C’est pour cela que je suis née ! »

Nous ne prendrons plus à l’épopée du bon évêque que quelques souvenirs sur les voyages de l’hiver, qui furent les principaux de sa vie, comme ils le sont de la vie de tous les missionnaires, au pays des neiges.


De même que comme pagayeur et comme haleur de grève, Mgr Clut ne trouva jamais son rival, ainsi comme entraîneur de chiens et conducteur de traîneaux, il n’eut point de pareil.

Il excellait à dompter les chiens de trait. Il leur apprenait notamment à redouter son fouet : savoir appliquer à temps le coup de fouet ; savoir surtout stimuler ces grands chiens-loups par le seul geste de leur montrer la mordante lanière,