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Des sauvages emplumés, venus peu à peu aux approches des postes avancés, pour troquer des peaux de bêtes, avaient parlé de troupeaux de bisons qui couvraient leurs plaines, aussi loin que l’œil pouvait porter, et de légions de castors qui peuplaient leurs étangs. C’était vers le milieu du xviie siècle, époque où la colonie, aux prises avec les Anglais et les Iroquois, voyait tarir, avec l’apport des fourrures, les sources principales de ses revenus. Quelques audacieux se risquèrent, à la suite des sauvages, dans ces pays inexplorés.

Ils revinrent chargés de pelleteries et de récits fantastiques. Ainsi s’ouvrit l’ère des coureurs-des-bois.

À quelles profondeurs s’enfoncèrent ces chevaliers errants des plaines et des forêts canadiennes ? Par quelles voies ? À travers quelles péripéties ? Ils n’ont point écrit leurs aventures homériques. Ils n’ont point laissé de tumulus, de pierres milliaires pour orienter l’enquête de l’histoire. Ce que nous savons, c’est qu’en 1680, ils étaient déjà au moins 800, en dépit de l’ordonnance de 1673, qui défendait « aux jeunes colons d’embrasser la vie de trappeur, sous peine du fouet, à la première offense, et des galères, à la récidive, ces exodes étant tenus pour nuisibles aux mœurs, à la religion, à l’agriculture, à l’industrie, à la vie domestique, à la nation ». Nous savons aussi que, moins d’un siècle après cet édit du roi de France, des coureurs-des-bois avaient gagné jusqu’au cercle polaire, et qu’en 1789, lorsque Mackenzie descendit, jusqu’à son embouchure, le fleuve qui porte son nom, il ne put trouver, pour le guider, qu’un Beaulieu, résident du pays, et un équipage canadien français.

Les romanciers, qui prirent à ces conquérants du désert et de l’espace les caractères de leurs personnages, n’ont rien exagéré de leur passion pour la vie primitive des Indiens, de leur courage à tout oser, de leur endurance, de leur gaieté surtout, gaieté du bon rire français « dont on riait d’un bout du monde à l’autre », gaieté « gouailleuse un tantinet », qui n’éclate à son aise que dans les solitudes des bois, loin de la contrainte, et à laquelle les natures les plus moroses s’abandonnent, dès leurs premiers pas dans la sauvagerie.


Il fut un temps où le « métier de coureur-des-bois » était