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AUX GLACES POLAIRES

insupportables, même pour une personne en bonne santé ; et la malade est si faible qu’elle ne peut lever la tête. Trois fois nous dûmes la débarquer et la transporter le long du rivage. Au milieu de tant de souffrances, elle ne se plaignait pas. « Ma seule peine, disait-elle, est de vous donner tant de trouble ! »

Le 5 octobre, nous arrivâmes au fort Mac-Murray, et le 9, à la mission de la Nativité, du lac Athabaska…


Marie-Marguerite ne débarqua à la Nativité que pour mourir aussitôt, saintement résignée. Quant au Père Roure, Mgr Clut dut l’abandonner, au Grand Lac des Esclaves, et le remettre aux soins du Père Gascon, persuadé qu’il ne le reverrait plus vivant. La mort du jeune missionnaire fut même annoncée à sa famille. Sa constitution de franc Ardéchois eut cependant le dernier mot. En deux mois, le Père Roure perdit irréparablement sa chevelure, mais il récupéra, sa force. De son humeur spirituelle et pacifique, il n’eut rien à regagner alors, ni jamais.


L’année suivante, 1871, Mgr Clut revint de la mission de la Providence au lac la Biche, afin de recevoir de Mgr Faraud la cargaison annuelle. Mais dans quel attirail le vicaire apostolique et son coadjuteur se rencontrèrent-ils ! Il faut le dire.

Mgr Faraud, récemment établi au lac la Biche, et de plus en plus effrayé des difficultés amoncelées dans la voie des rapides, s’était convaincu que la seule garantie pour l’avenir était de pratiquer un chemin de charrettes, prenant au lac la Biche et aboutissant au fort Mac-Murray[1].

Deux cent quarante kilomètres de forêts vierges à démanteler, de fondrières à combler, de marais et de rivières à ponter, au moyen de peu d’ouvriers, d’outils rudimentaires et de bœufs efflanqués, un tel projet ne pouvait être conçu que comme en désespoir ; et, de fait, ce fut le grand échec contre lequel la volonté de Mgr Faraud eut à se briser, vaincue. Mais, avant de rendre les armes, il mit en œuvre tout ce qui lui fut possible.

En 1869, il avait commencé. En 1871, l’année dont nous, parlons, il était lui-même à la tête des travailleurs, bûchant

  1. V. Chap. IV.