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AUX GLACES POLAIRES

Taché le diocèse — de Saint-Albert, nommant le coadjuteur de Saint-Boniface titulaire du nouvel évêché.


Cinq années seulement de Mgr Grandin appartiennent en propre à l’histoire de l’Athabaska-Mackenzie : les deux années du lac Athabaska, où il fut comme simple prêtre, et trois années (de juin 1861 à juillet 1864) qu’il employa à visiter et à gouverner le vicariat arctique, depuis le lac Athabaska jusqu’au Cercle Polaire, en attendant la nomination, la consécration et le retour de Mgr Faraud.

À suivre le maladif et doux prélat dans les phases de cette longue pérégrination, par le récit qu’il en fit lui-même ; à réfléchir sur les aveux qu’il confiait à Mgr Taché, en des communications intimes, dont les archives de Saint-Boniface gardent le secret, avec tant d’autres semblables sur les tortures les plus crucifiantes, les plus humiliantes, et donc les plus sanctifiantes, des missionnaires, mais que la délicatesse de nos usages défend de mettre au jour, on reste interdit, et l’on se demande quelles autres souffrances morales et physiques pourraient bien s’ajouter à celles-là, pour tuer leur victime… Mais Dieu soutient ses missionnaires, et, comme se plaisait à le redire Mgr Faraud, avec saint Paul, c’est lorsqu’ils sont les plus faibles qu’ils, deviennent les plus forts, parce qu’ils peuvent tout en celui qui les fortifie.

Mgr Grandin regardait son voyage du Mackenzie comme l’étape culminante de sa vie de missionnaire des sauvages. C’est aux peines et aux consolations éprouvées, dans ce champ de glace, parmi les Montagnais, les Plats-Côtés-de-Chiens, les Peaux-de-Lièvres, les Esclaves, qu’il prenait les traits de choix des conférences et des sermons qu’il fut appelé à prononcer dans tant d’institutions, d’églises et de cathédrales, pour l’œuvre de la Propagation de la Foi.

C’est une conversation sur le même sujet qui lui gagna l’admiration de Louis Veuillot. Le publiciste catholique le présentait, le lendemain, à la France et à l’univers, dans l’un des meilleurs articles de sa carrière : L’évêque pouilleux. Il se servait de l’abjection forcée, mais chrétiennement acceptée, du prélat, pour venger l’Église, « la grande faiseuse d’hommes », qui, à l’encontre de la risée des mondains,