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BERCEAU D’ÉVÊQUES

sources assurées avant la dépense. Il ne dormait pas qu’il n’cùt retracé, dans les comptes, jusqu’à l’emploi du dernier sou. « L’incertitude est une triste base d’opération, disait-il. Je n’en veux pas. » Aussi abhorrait-il les dettes et la spéculation. A ceux qui l’eussent poussé vers les hasards, il répondait par le prius supputat sumptus — calculer d’avance ce qu’il en coûtera — de l’Évangile. Redoutant les catastrophes toujours prêtes à engloutir ses œuvres, il parvint à constituer la réserve du vicariat.[1]

L’administration apostolique, qui répartit les sujets et dirige leurs travaux, ne le cédait en rien à l’administration temporelle. Mgr Taché, à la mort de Mgr Faraud disait : « Le vicariat d’Athabaska-Mackenzie est le mieux organisé que je connaisse. »


Les directions intimes que donnait Mgr Faraud à ses fils sont affaires de famille. Retenons qu’elles en firent des religieux et des apôtres exemplaires. Le secret profond de son succès peut cependant être révélé — : il aimait ses missionnaires. Il les aimait maternellement et surnaturellement, ainsi qu’il le redisait souvent, en soulignant ces expressions, dans ses lettres. Sur le soir de sa vie, accablé de ses douleurs, n’en pouvant plus, il écrivait encore :

  1. Le système économique de Mgr Faraud était l’allocation fixée d’avance. Il comptait sur l’esprit de sacrifice de chaque missionnaire pour l’accepter, tel qu’il l’imposait. Il écrit à l’un d’eux : « En fixant à chaque mission une allocation annuelle, proportionnée à nos ressources probables, j’avais plusieurs choses en vue : 1o accoutumer chaque directeur à veiller à ses affaires : 2o empêcher qu’on fit des demandes au hasard ; 3o éviter les mécomptes, en retranchant, pour équilibrer recettes et dépenses, certains articles non absolument nécessaires ; 4o éviter que l’insouciance possible des uns ne privât les autres de leurs droits ; mais, en sous-main, je voulais réserver une poire pour la soif, afin de pourvoir aux nécessités imprévues et aux déficits, inévitables en certains cas. Dieu a béni jusqu’ici nos efforts (1885), et j’ai la consolation de voir, après avoir bouché tous les vides, que notre barque continue à voguer à pleines voiles, tandis que d’autres vicariats, mieux placés que nous, sont aux abois, et menacés de banqueroute. Que chacun soigne sa petite barque avec le soin que je mets à veiller sur celle qui les contient toutes, et, sous l’œil de Dieu, nous voguerons longtemps en sûreté… Quoiqu’il me soit bien pénible de vivre si éloigné de ceux que mon cœur aime avant tous et du centre de nos œuvres, je n’oserais regretter le devoir rigoureux qui me retient depuis longtemps à la porte (le lac la Biche), parce qu’il me parait évident que, si je n’avais pas été là, cette porte serait fermée pour toujours, et que c’en serait fait de nos chères missions. »