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AUX GLACES POLAIRES

À sa croix d’évêque, il s’attacha par la sainteté grandissante de sa vie ; mais c’est sur sa croix d’Oblat qu’il contemplait le divin Modèle de la crucifixion.

Deux fois l’année, à la fin de la retraite générale et le 17 février, anniversaire de l’approbation de la Congrégation des Oblats par Léon XII, chaque profès renouvelle solennellement ses vœux de pauvreté, chasteté, obéissance et persévérance dans l’Institut. Ces jours-là, Mgr Taché reprenait le costume du simple religieux. En soutane noire, et portant la croix reçue à son oblation, il venait parmi ses frères, au pied dé l’autel, son humble cierge à la main, redire la formule de ses engagements perpétuels.

À l’exemple du Cardinal Guibert, de Mgr Balaïn, ce n’est pas sur sa croix d’évêque qu’il voulut rendre le dernier soupir ; mais sur sa croix d’Oblat missionnaire. Cette croix, qui reçut le baiser suprême du grand archevêque, missionnaire des pauvres, est vénérée à l’égal d’une relique, au juniorat des Oblats de Saint-Boniface.


Mgr Taché résista plus de vingt ans aux attaques répétées d’un mal, douloureux parmi les douloureux, contracté dans les courses trop longues sur les neiges du Nord, et dans les privations trop continuelles. En 1873, les médecins ne lui accordaient plus deux ans de vie : il mourut, le 22 juin 1894. Quel fut donc son calvaire !


L’une des dernières lettres, écrite de sa main, fut pour « cet ami que tout le monde aimait », mais qu’il réclamait « le privilège d’aimer plus que tout autre », Mgr Laflèche, à l’occasion de ses cinquante ans de sacerdoce :


« … La main qui trace ces lignes est celle qui, pendant des mois et des mois, a pansé vos plaies et tâché d’adoucir vos souffrances. Le cœur qui dicte ces réflexions est celui qui, depuis bientôt un demi-siècle, remercie Dieu de vous avoir connu, d’avoir été votre compagnon, le témoin de la vie précieuse qu’il a admirée en vous. Vous avez été mon maître dans notre commune carrière de missionnaires… »


La réponse de Mgr Laflèche fut de venir lui-même, un mois après, à Saint-Boniface, prononcer, dans un flot de larmes, l’oraison funèbre de son ami de l’Île à la Crosse.