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AUX GLACES POLAIRES

Celui que je voudrais avoir, c’est M. Laflèche, que j’ai emmené dans cette intention… C’est lui que je demanderai… Je sais qu’il n’acceptera pas volontiers ; il fera comme bien d’autres, il pliera beaucoup pour accepter le fardeau, plus réel ici qu’en bien d’autres places. Il passera trente ans avant que la destinée qu’on lui prépare s’accomplisse. Il est bien instruit dans les sciences de collège, il est studieux, il est initié dans trois langues sauvages, parle passablement l’anglais, est doué d’un riche caractère. Ce qu’il y a de beau en lui, c’est qu’il ne sait pas ce qu’il est.


La demande officielle, envoyée à Rome en 1848, fut agréée ; et les bulles de M. Laflèche arrivèrent à l’évêché métropolitain de Québec.

L’élu protesta, faisant valoir ses infirmités :


Vous voulez un coadjuteur vigoureux, et je suis infirme, dit-il à son évêque ; vous avez besoin d’un coadjuteur qui puisse parcourir à votre place ces immenses régions, et je suis plus incapable de voyager que vous. Durant les trois années que je viens de passer à l’Île à la Crosse, il m’a fallu garder la maison et laisser les courses à mon compagnon, le Père Taché.


Voyant qu’il devait céder, Mgr Provencher garda néanmoins près de lui M. Laflèche, et lui conféra le titre de vicaire général.

M. Laflèche se jeta dans son nouveau travail. Il devint le factotum de Saint-Boniface, sur tous les théâtres accessibles à ses forces.

En 1851, pendant l’un des voyages qu’il entreprit pour accompagner les Métis à la chasse aux bisons, son escouade, qui comptait moins de 80 tireurs, se trouva tout à coup en face d’un camp formidable de Sioux. Que faire contre ces 2,000 guerriers ? M. Laflèche absout en hâte ses enfants, comme s’ils allaient mourir ; mais il organise également la défense, revêt le surplis et l’étole, et, se plaçant sur une butte dominante, il enflamme les courages et bénit sans relâche. Les Métis reçoivent sans fléchir les bordées des balles et des flèches ; et, ripostant de leur tir rapide et précis, font rouler leurs ennemis dans l’herbe, comme des buffalos abattus. À la fin, les Sioux regardèrent « l’homme habillé de blanc sur le coteau » comme un manitou immunisant ses soldats et dirigeant leurs balles, et prirent la