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AUX GLACES POLAIRES

labeur, ils s’arrêteront un instant pour s’écrire, ils se rediront l’un à l’autre :

« Vous souvenez-vous, cher Seigneur et ami, du temps où nous chantions : Vive le Nord et ses heureux habitants ?… Oh ! qu’il est donc passé, ce temps ! Mais c’était le bon temps ! … »


Brusquement, le courrier de 1849 vint briser la fête de l’Ile à la Crosse. Deux lettres de la Rivière-Rouge : l’une du Père Aubert, supérieur des Oblats de l’Ouest, pour les Pères Taché et Faraud ; l’autre de Mgr Provencher, pour M. Laflèche.


La lettre du Père Aubert disait :


La Révolution (1848) survenue en France tarira peut-être les ressources de la Propagation de la Foi ; peut-être aussi serons-nous obligés de laisser l’œuvre commencée. Ne poussez donc pas plus avant ; mais bornez à l’Île à la Crosse vos soins et vos travaux.


Les deux jeunes Oblats restèrent d’abord consternés. Puis, ils ouvrirent la pauvre alcôve, que M. Laflèche avait disposée pour conserver le Divin Compagnon de l’exil, et firent une prière. Se relevant, ils écrivirent au Père Aubert :


La nouvelle que contient votre lettre nous afflige, mais ne nous décourage pas. Nous savons que vous avez à cœur nos missions ; et nous, nous ne pouvons supporter l’idée d’abandonner nos chers néophytes et nos nombreux catéchumènes. Nous espérons qu’il vous sera toujours possible de fournir du pain d’autel et du vin pour le Saint Sacrifice. À part cette source de consolation et de force, nous ne vous demandons qu’une chose, la permission de continuer nos missions. Les poissons du lac suffiront à notre existence et les dépouilles des bêtes fauves à notre vêtement. De grâce, ne nous rappelez pas.


La lettre de Mgr Provencher mandait M. Laflèche à Saint-Boniface, pour « affaires très importantes ». Les Pères Faraud et Taché ne s’y méprirent pas : l’affaire importante c’était l’épiscopat ; et ils s’en fussent réjouis pour leur ami commun, s’ils ne l’avaient vu si triste de les quitter.