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faite de plus en plus sombre, comme à plaisir, son visage exprimait tout à coup l’anxiété, et sa voix s’animait d’une conviction irrésistible :

« — Dans ce pays de sauvages et de bêtes fauves, s’écriait-il, sous ce ciel glacial, sur ce sol couvert de neige, il vient cependant des commerçants, qui s’exposent à tous les dangers, pour acheter des peaux d’ours et de martres : pas une queue de loup ne se perd dans nos pays de désolation… Et on ne trouverait pas des prêtres pour y venir chercher des âmes ! »

Cette réflexion du vénérable évêque nous livre, en deux mots, la double clef de l’histoire du Canada, le double secret de tous les sacrifices par lesquels l’immense continent a commencé de se conquérir à l’Europe et à Dieu : les fourrures et les âmes.


L’exploitation des fourrures ne fut pas, à vrai dire, le premier but des marins du Vieux-Monde qui abordèrent l’Amérique. Depuis le Moyen Âge, le rêve des nations riveraines de l’Atlantique, Espagne, France, Angleterre, était de trouver le passage de l’Ouest, « conduisant à la Chine ».

Y avait-il, entre l’Europe et l’Asie, du côté de l’Occident, une autre terre, et par suite un autre océan que l’Atlantique ? La géographie ne pouvait que se poser cette question.

En 1492, Christophe Colomb, au nom de l’Espagne, atteignit l’île de San-Salvador, qu’il croyait « avoisiner les Indes »[1].

En 1534, le 24 juillet, sur un cap de la baie de Gaspé, Jacques Cartier plante la croix fleurdelisée, avec l’inscription : Vive la France ! Il pense avoir touché « un bout de l’Asie », et il espère, qu’en remontant le fleuve Saint-Laurent, il coupera cette « presqu’île asiatique qui le sépare encore du Cithay (la Chine) ».

En 1576, Martin Frobisher, au nom de l’Angleterre, s’arrête dans une baie de la terre de Baffin, qu’il croit être « le pôle nord, voisin de l’Asie ».

  1. D’où le nom d’Indiens, qui appartenait aux véritables habitants de l’Inde ancienne, passa abusivement pour leur rester aux Indigènes de l’Amérique. Par la même erreur, l’Amérique fut dénommée d’abord les Indes Occidentales. Ces Indigènes furent aussi appelés Peaux-Rouges, parce qu’ils se teignaient le corps avec de la terre rouge.