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AUX GLACES POLAIRES

le prêtre de la vraie religion, cette fois, serait là, plusieurs sauvages du lac Athabaska et du Grand Lac des Esclaves avaient formé une flottille spéciale de canots d’écorce. Tous ces Indiens, engagés de la Compagnie ou gens libres, avaient poussé barges et pirogues, avec un entrain inconnu, vers le rendez-vous marqué.

À ce rendez-vous, l’homme de la prière, M. Thibault, arriva le premier.


Parti du lac Sainte-Anne, au lendemain des fêtes de Pâques 1845, il s’arrêta à l’Île à la Crosse, à 180 lieues du lac Sainte-Anne « après beaucoup de fatigues, et jeûnant depuis quatre jours », nous apprend M. Laflèche.

Quant à M. Thibault, que « son humilité a toujours empêché de faire connaître ses travaux et ses privations dans ses lointaines missions », dit encore M. Laflèche, il se contente de mettre dans le journal de son itinéraire ces quelques mots :


Île à la Crosse, 24 mai 1845. Il y a quinze jours que je suis arrivé ici, sur un petit canot, avec un seul compagnon… Je suis à l’ouvrage, le jour et la nuit. Sans cesse je suis entouré de quatre-vingts familles montagnaises, dont je ne saurais satisfaire la faim et la soif de la justice de Dieu. La miséricorde divine paraît ici avec éclat. Le jour et la nuit, je suis employé aux saints exercices de la mission, et mes bons sauvages, dévorés d’une sainte avidité de connaître Dieu et les moyens de le servir, semblent se reprocher les instants du repos et du sommeil. « Hâtons-nous, disent-ils, car nous allons peut-être mourir bientôt, et nous n’aurions pas le bonheur de voir Dieu. » Je leur fais espérer qu’ils auront, l’an prochain, des missionnaires qui apprendront facilement leur langue, et qui les instruiront avec plus de facilité et plus de fruit que je ne puis le faire.


Ainsi fut fondée la mission de l’Île à la Crosse, chère aux souvenirs de tant de missionnaires.

L’Île à la Croisse émerge d’un beau et vaste lac. Son nom, qu’elle a communiqué au lac même, lui vient de ce qu’elle fut l’arène recherchée des sauvages pour le jeu de la crosse : sorte de longue et forte raquette, dont le volant n’est pas le morceau de liège empenné que se renvoient les jeunes filles européennes, mais une halle dure, bourrée de sable, et lancée par des hommes, vers un but déterminé, à l’encontre des efforts violents d’un camp adverse.