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LA LUTTE POUR LA VIE

Sans vouloir fournir de fausses armes aux niveleurs bolchevistes, où cégétistes, il nous faut reconnaître que le trait foncier du caractère de notre Indien, c’est le communisme. L’idée de propriété personnelle se serait-elle jamais développée en sa conscience, sans le contact qu’il a pris avec la civilisation ?

À peine a-t-il touché le prix de ses fourrures — une vraie fortune parfois — qu’il convoque tous ses amis, et que la fête bat son plein. En peu de jours tout est dévoré. Un chasseur a-t-il abattu un ours ou un orignal ? Aussitôt un feu de signal s’élève dans la forêt ; et la tribu, de toutes parts, accourt au festin. Encore si ces pauvres gens réglaient leurs appétits, ou du moins s’ils pensaient au lendemain, lorsque leur faim est assouvie ! Mais non.

De ce communisme sans réserve, de cette intempérance devant la curée, de l’imprévoyance congénitale de la race, et surtout de l’insuffisance d’un gibier disséminé dans les forêts boréales, il résulte que le bien-être et l’apaisement de la faim ne sont que de rares trêves dans la vie de nos Indiens, et que, si parfois il recevait de ses enfants un peu de sa subsistance, le missionnaire du Mackenzie, bon saint Vincent de Paul, le leur rendrait bientôt, ajoutant ce surplus aux aumônes de sa bourse et aux dévouements de sa tendresse.

Cette autre question était posée aux évêques-missionnaires par la Congrégation de la Propagande, en 1880 :

« — Quelles sont les maladies les plus ordinaires ?

« — La maladie la plus commune, répondit encore Mgr Grandin, et je puis dire la plus dangereuse, est assurément la faim. La disette dans mon diocèse est comme la persécution dans l’Église : elle existe toujours en quelque point. Je suis certain qu’il n’est pas un enfant sauvage de

    soi ; mais aussi, tout ce qu’il restera de vivres dans la famille sera à la disposition du Père. À lui également la place d’honneur au coin du foyer. Si le Père doit venir voir un malade, on ira le chercher et on l’installera dans le meilleur traîneau. Si le sauvage montre de l’insolence, ce ne sera jamais « chez lui » dans les bois ; mais seulement lorsqu’il viendra au fort, parmi les Blancs…