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enfance, n’avait-elle pas été l’aimant séducteur de sa vie sacerdotale et apostolique ? De bonne heure, et avec la sincérité de saint Paul, il a donc pu dire : scio esurire et penuriam pati, je sais souffrir la faim et le dénuement. L’objet de son inquiétude, de ses labeurs, c’est l’établissement de la foi dans les âmes, son maintien, son progrès, en face des obstacles accumulés contre l’œuvre de Dieu par toutes les forces du pays le plus inhospitalier du monde. Ce n’est pas pour sa propre vie qu’il a lutté et qu’il lutte encore, — c’est pour la vie de ses chères missions.


On vient d’entendre le chiffre des pertes, au désastre du fort Mac-Murray : si nous ajoutons la valeur de ce qui ne fut point perdu, nous atteindrons 150.000 francs. Et cette somme doit être trouvée, chaque année, pour le seul vicariat du Mackenzie.[1]

D’où viendront les ressources ?


D’abord, pas du pays lui-même, presque inexploité encore. Ses forêts, son pétrole, sa houille, son goudron, son cuivre, son argent, son or seront mis en valeur un jour… Mais dans combien d’années ?

Point des indigènes non plus. Lorsqu’il « travaille pour le père », l’Indien du Nord entend se faire payer, nourrir

  1. La source capitale de telles dépenses fut toujours la difficulté des transports. Ainsi, en 1876, époque moyenne du premier demi-siècle de nos missions du Nord, Mgr Faraud estimait à 25 piastres (125 francs) le seul transport d’un colis de 100 livres d’Angleterre au lac la Biche, c’est-à-dire environ les trois quarts de la valeur réelle de l’objet.

    Du lac la Biche au fort Mac-Murray, l’évêque ne pouvait transporter lui-même chaque pièce de 100 livres qu’aux prix de 20 à 25 francs.

    Au fort Mac-Murray, le tarif de la Compagnie ressaisissait la pièce, à raison d’une piastre (5 francs) de chaque fort-de-traite au suivant : soit 11 piastres de plus pour la mission la plus lointaine. Total : 200 francs de transport par 100 livres.

    Même à l’époque où l’on put acheter la farine à Winnipeg, au prix de 25 francs le sac, elle revenait à 110 francs, au fort Good-Hope. Un seul parti était de mise alors : se passer d’un tel luxe. C’est ce que l’on fit. Il n’y eut pendant près de cinquante ans qu’un peu de pain pour les grandissimes fêtes, ou pour les malades gravement atteints. Et même pas toujours.

    Tous les fonds disponibles servirent à se procurer les instruments indispensables, les habits, les articles de traite, l’ameublement. Plus tard vinrent les machines, scieries mécaniques, chaudières tubulaires, hélices, ferrailles volumineuses et lourdes.

    C’est par là que saignait la bourse du vicariat.</>