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mission. Le poisson qu’on put sauver dût être transporté à grands frais sur la glace avec des chiens. D’où des dépenses considérables qu’il nous faut maintenant solder, en même temps que celles encourues pour réparer ou renouveler les bateaux.

Il y eut, évidemment, l’hiver dernier, un surcroît de privations chez nos missionnaires, nos religieuses, etc. Je n’ai pas reçu une seule plainte. « Nous nous sommes tirés d’affaire du mieux que nous avons pu », se contente-t-on de me dire.

Mais comment ferons-nous l’hiver prochain, si nous ne recevons promptement du secours ? Trois cents personnes environ dépendent du vicaire apostolique pour la nourriture, le vêtement et le logement. Les besoins sont actuellement si nombreux partout et les appels à la charité si fréquents que j’ai bien hésité à tendre la main. Mais la faim fait sortir le loup du bois, et elle donne aux plus timides le courage de devenir mendiants.

Trouvera-t-on mauvais que je vienne en toute simplicité exposer notre situation, et soulever un peu le voile qui cache les dévouements de ces vaillants et de ces vaillantes qui font de plus en plus l’admiration de ceux qui les voient à l’œuvre ? Coûte que coûte, je le sais, nos missionnaires tiendront bon, nos religieuses garderont leurs orphelins et leurs vieillards ; chacun « fera comme il pourra », avec ce qu’il aura à sa disposition. On ne regarde pas à une privation de plus dans le Mackenzie. Mais n’y aura-t-il pas quelques lecteurs qui se laisseront toucher et trouveront le moyen, fût-ce au prix d’un nouveau sacrifice, de m’aider à diminuer leurs privations ?… »


Quelques jours après, Mgr Breynat pouvait écrire, tout à l’honneur de la charité canadienne :


Les aumônes reçues dépassent de beaucoup ce que j’avais osé espérer. Nous n’arriverons pas sans doute, loin de là, à couvrir toutes nos pertes. Mais si le courant de la charité publique envers nous continue encore quelque temps avec la même générosité, j’entrevois la possibilité de nous procurer, avant l’hiver, les articles les plus indispensables. Et que pouvons-nous désirer de plus en ces temps difficiles ! Nos missionnaires, qui n’ont pas perdu l’habitude des privations, sauront se contenter de peu. C’est ce qui a fait leur force dans le passé ; c’est ce qui la fera dans l’avenir…


Une conclusion s’échappe de ces témoignages des évêques du Nord. La profonde, l’incurable souffrance du missionnaire ne lui vint jamais de sa propre misère. Il s’y attendait. Ses maîtres du noviciat et du scolasticat l’y avaient préparé. Et même cette ressemblance privilégiée avec le divin Pauvre, entrevue par le rêve généreux de son